Né le 20 décembre 1875 à Auxerre, où son père servait comme capitaine au 46e Régiment d’Infanterie, Paul-Frédéric Rollet suit les traces de son père en intégrant une carrière militaire ; c’est ainsi qu’il entre à Saint-Cyr en octobre 1894. Nommé sous-lieutenant deux ans après, il est affecté au 91eme Régiment d’Infanterie où il doit rester deux années. Mais le jeune officier se lasse vite de la vie de garnison en France. Il est attiré par les conquêtes coloniales de la France au Tonkin, en Afrique Occidentale et Équatoriale, à Madagascar et par la pacification des confins algéro-marocains. Ces conquêtes l’entraînent à rejoindre l’une des unités opérant dans ces territoires lointains.
Aussi, nouvellement nommé lieutenant, il obtient la permission d’aller servir à la Légion étrangère en Afrique du Nord, mission qu’il ne quittera qu’aux heures tragiques de 1914.
Après un court passage au sein de la 21e compagnie en tant qu’instructeur des recrues, le lieutenant Rollet est affecté en janvier 1900 à la compagnie montée du II/1er RE au Sud-Oranais (les régions d’Aïn Séfra et de Colomb-Béchar). Il y restera jusqu’en novembre, en protégeant des convois et en effectuant des reconnaissances dans le territoire encore inconnu. Dès son retour à Sidi Bel Abbès, il sert à la 18e compagnie du V/1er RE, avant de se rendre à Madagascar en janvier 1902. Affecté en avril à la 2e compagnie dans le secteur de Belo pour participer à des opérations et des tournées de police en territoire des Sakalaves, le lieutenant Rollet ne quittera l’île qu’en mars 1905, avec les dernières unités de la Légion.
De nouveau en Algérie, il prend d’abord le commandement de la 4e compagnie du 1er Bataillon du 1er Etranger à Sidi Bel Abbès puis d’un détachement du 1er RE au sud de la ville et, enfin, de la section de discipline à Aïn Séfra. Fin 1906, quelques mois avant le début de la campagne française au Maroc, le lieutenant Rollet se rend à la frontière algéro-marocaine, affecté comme chef de section à la 3e compagnie montée de Berguent.
Au début de décembre 1907, la compagnie y sera remplacée par hasard par la 20e compagnie qui sera anéantie deux mois plus tard près de Forthassa, par une violente tempête de neige. Ce désastre touchera profondément toutes les unités du 1er RE qui en garderont un souvenir douloureux. Et c’est la 3e compagnie montée avec le lieutenant Rollet qui alla en février s’implanter elle-même à Forthassa, en remplacement de sa malheureuse unité sœur.
Après les opérations sur le Haut-Guir (dans le territoire de Bou Denib) et entre Berguent et Oujda, le lieutenant Rollet est enfin promu capitaine en mars 1909, après dix longues années de grade. Il est affecté au 2e Etranger (2e RE) et prend d’abord le commandement de la 10e compagnie, avec laquelle il part en juin de nouveau au Sud-Oranais et puis, en mars 1910, il rejoint la 2e compagnie à Casablanca au Maroc. En octobre, toujours aux alentours de cette ville, la 3e compagnie montée du 2e RE (ex-22e cie montée) passe sous les ordres du capitaine Rollet. Il la commandera jusqu’en juin 1914, dirigeant ses hommes au cours des opérations et des combats autour de Rabat, Kénitra, Fès et Taza. En même temps, sa compagnie effectuait la construction d’une piste de quatre-vingts kilomètres, menant de Fès à Bab Tiouka.


Le capitaine Rollet partit en France pour une permission de fin de campagne de trois mois, mais son repos fut interrompu par la déclaration de la guerre du 2 août 1914. Pour ainsi dire, le capitaine Rollet partit volontairement, « pour ne pas manquer l’affaire » disait-il, sur le front de France ; il fut affecté deux jours plus tard au 31e Régiment d’infanterie (31e RI) d’Orléans.
Le 22 août, il est grièvement blessé à la face mais refuse de se laisser évacuer et continue le combat jusqu’à épuisement complet. Le 6 septembre, il est à nouveau blessé à la tête. Le 15 octobre, nommé chef de bataillon, il prend le commandement du 331e Régiment d’infanterie (331e RI). Mais la nostalgie de ses légionnaires continue de le hanter. Dès le début des hostilités d’ailleurs, il travaille en contact étroit avec la Légion. C’est ainsi que, le 5 janvier 1915, en Argonne, il organise conjointement avec le 4e Régiment de Marche du 1er Etranger (« Légion Garibaldienne ») la seconde attaque du Bois de Bolante.
Nommé lieutenant-colonel en octobre 1915, son dynamisme et son sens du combat vont faire de lui, en mai 1917, après la mort héroïque du Colonel Duriez, le nouveau chef de corps du Régiment de Marche de la Légion Etrangère (RMLE). Ce régiment est formé le 11 novembre 1915 avec les survivants des quatre régiments de marche de la Légion qui, depuis le début du conflit, ont combattu sans cesse sur le front de France. Le lieutenant-colonel Rollet, toujours vêtu de sa légendaire tenue de toile kaki, retrouve ses légionnaires décimés par les énormes pertes subies dans les sanglants combats d’Aubérive, mais conservant toujours le moral intact.
À l’aide de cette poignée d’hommes qui lui reste et des renforts qu’il va recevoir, il reformera l’unité d’élite. Après un séjour relativement calme qui lui permet d’aller à Paris recevoir la fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire au Drapeau du RMLE, le régiment s’illustre à Cumières le 20 août 1917. Le 27 septembre, c’est la remise au Drapeau de la Croix de la Légion d’Honneur. Encore un temps de demi-repos en ligne, et, en avril 1918, surviennent les terribles combats du Bois de Hangard.
En mai, on voit les légionnaires du RMLE qui empêchent l’ennemi de déboucher de Soissons. En juin, encore une résistance victorieuse à Ambleny et à Saint-Bandry : la situation est une fois de plus sauvée par les légionnaires. Enfin, en août et en septembre, c’est l’attaque contre les formidables positions de la Ligne Hindenburg que la Légion, la première, réussit à percer, déclenchant ainsi le mouvement de recul définitif de l’ennemi. Le 14 septembre 1918, c’est chose faite. Sous les ordres du lieutenant-colonel Rollet, le RMLE devint l’unité le plus décorée de l’armée française, titulaire de neuf citations.
Reformée avant de regagner l’Algérie en 1919, son unité est transférée en octobre de la même année au Maroc, pour y devenir le 3e Régiment Etranger en novembre 1920. Rollet restera jusqu’en mars 1925 son prestigieux chef de corps.


C’est à cette date que le lieutenant-colonel Rollet va prendre le commandement du 1er Régiment Etranger d’Infanterie (1er REI, ex-1er RE) à Sidi Bel Abbès. Portion centrale de la Légion composée à cette époque de sept bataillons, le 1er REI est un régiment très délicat à commander, en raison des missions qu’il doit accomplir en Algérie, au Maroc, en Indochine et au Levant. Fin septembre 1925, il est nommé colonel.
L’âge d’or de la Légion commence. Six années durant, le colonel Rollet insufflera son idéal à ce qui constitue déjà le cœur de l’Institution. Simultanément, il multipliera les inspections des unités de Légion au Maroc pendant l’étape finale de la pacification de ce pays, dans laquelle les légionnaires ont joué un rôle très important. Enfin, en mars 1931, il reçoit sa nomination au grade de général de brigade. Mais la Légion sans Rollet semble alors chose impensable et un compromis est trouvé : le nouveau général prend le commandement de la subdivision de Tlemcen, ainsi que le titre d’Inspecteur de la Légion Etrangère, créé tout spécialement pour lui. Le général Rollet devient donc le « Père de la Légion ».
Il prépare avec toute son ardeur les fêtes du Centenaire du 30 Avril 1931 dans l’espoir qu’en ce centième anniversaire de la Légion étrangère, la France toute entière rendra hommage à ses hommes qu’il connaît si bien pour les avoir commandés au plus fort de la fournaise. La préparation de l’anniversaire de la Légion comporte aussi la réalisation d’un colossal Monument aux morts et son inauguration, ainsi que la publication d’un Livre d’Or de la Légion.
Malheureusement, les célébrations ont fait place à la tristesse dès l’année suivante. En septembre 1932, des dizaines de légionnaires sont tués dans le déraillement d’un train près de Turenne, dans le nord-ouest de l’Algérie. Le général Rollet, qui s’est personnellement chargé des opérations de sauvetage, fait la triste remarque suivante : « J’ai perdu hier, en une seule journée, plus d’hommes qu’en deux ans de Maroc. »
Malgré cette tragédie, le général Rollet continue à s’occuper de faire connaître sa Légion du grand public. Également, il s’intéresse au sort de ses anciens, procéde à un grand développement des Amicales et favorise l’éclosion de projets des Maisons de retraite. Il intervient sans relâche auprès des autorités, obtenant des facilités pour ceux des anciens qui veulent s’établir en Métropole, voire cherchant des situations décentes pour ceux qui sont sans travail. Le reclassement dans la vie civile devient sa hantise. Quand vient l’heure de la retraite, le 20 décembre 1935, ses efforts n’en continueront pas moins et il ne voudra connaître aucun repos.
Hélas, alors qu’en 1939 il avait vu se reproduire le miracle de 1914 où des milliers de Volontaires Etrangers étaient venus au secours de leur patrie d’adoption menacée, il dut alors subir l’épreuve de la défaite, à coup sûr terrible pour un homme de cette trempe qui n’avait connu que des succès.
Il ne restait plus au vieux chef de guerre qu’à mourir au milieu des « Gueules Cassées » (membres de l’Union des blessés de la face et de la tête) dont ses sept blessures lui avaient valu la présidence, depuis juin 1939.
Le 16 avril 1941, le légendaire général Paul-Frédéric Rollet s’éteignait à Paris au terme d’une vie bien remplie. Il avait consacré 33 ans à la Légion, la plus grande partie de sa carrière militaire. Le 25 avril, malgré les circonstances difficiles de l’époque, son dernier désir put être respecté et le « Père de la Légion » fut ainsi inhumé au milieu de ses compagnons d’armes, dans le carré Légion au cimetière de Sidi Bel Abbès. Fin septembre 1962, ses dépouilles mortelles furent transférées en France pour qu’il puisse reposer en paix à Puyloubier, domaine de l’Institution des invalides de la Légion, pas loin d’Aubagne, la nouvelle garnison du 1er Régiment Etranger.












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Principales sources d’informations:
Képi blanc revues
Pierre Soulié: Paul-Frédéric Rollet : Père de la Légion étrangère (Editions Italiques, 2007)
Google.com
Wikipedia.org
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L’article original : General Paul-Frédéric Rollet
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La page a été mise à jour le : 16 avril 2021