Compagnies Montées de la Légion étrangère

Les compagnies montées sont les compagnies d’infanterie de la Légion étrangère montées à mulets. La première compagnie montée de Légion est créée au Sud-Oranais en Algérie en 1881. La rôle de ces unités d’élite est d’augmenter la mobilité de l’infanterie en territoire hostile en évitant la fatigue des hommes. Elles participeront avec succès aux opérations de la conquête du Sud-Oranais et de la pacification du Maroc. Partiellement motorisées dans les années 1930, la dernière de ces compagnies montées est dissoute au Maroc fin 1949.

Compagnies Montées de la Légion étrangère - L'historique

 

Introduction

La première compagnie de Légion équipée de mulets (des hybrides d’un âne et d’une jument) composée exclusivement de fantassins est créée pendant la campagne du Mexique (1862-67), au début de 1866. Elle constitue une unité de contre-guérilla pour couvrir l’évacuation du corps expéditionnaire français. Cette compagnie est dissoute un an plus tard, à la fin de la campagne.

Néanmoins, l’histoire des véritables compagnies montées de la Légion étrangère ne commence qu’en 1881, en Afrique du Nord, pendant la conquête de l’Algérie par la France (1830-1902). Au début de cette année, une partie importante des troupes françaises est transférée de l’Algérie vers la Tunisie, pour occuper ce pays. Tout de suite, une insurrection s’est produite au sud-ouest de l’Algérie, dans le Sud-Oranais (la région d’Ain Sefra, Figuig et de Béchar). Elle est menée par le marabout (un saint homme, sage) Bou Hamama, qui massacre les Européens et razzie les tribus qui lui résistent. C’est un adversaire d’une mobilité étonnante qui lui permet de bénéficier de l’effet de surprise dans une zone de relief difficile d’accès, au nord du Sahara occidental et dans les plaines des Hauts Plateaux.

 

Pourquoi les compagnies montées ?

C’est alors dans le Sud-Oranais en octobre 1881, sous les ordres du Colonel de Négrier (le commandant de la Légion depuis juillet), que la première compagnie montée à mulets est créée. Dans les colonnes militaires, elle est destinée à se porter en avant, à poursuivre l’ennemi rusé et mobile et à porter les premiers coups. L’avantage essentiel de cette unité est d’augmenter la mobilité de l’infanterie en évitant la fatigue des hommes. La compagnie de fantassins montés sur des mulets arabes peut aller longtemps et loin, pendant plusieurs jours, en territoire hostile.

Vers la fin de l’année, les compagnies montées sont aussi organisées dans chaque régiment de zouaves et de tirailleurs (unités d’infanterie de l’Armée d’Afrique).

Pourquoi des mulets et non des chevaux ou des chameaux ? Parce que le mulet se déplace à une allure proche de celle du pas de l’homme, soit à une vitesse moyenne comprise entre 5 et 6 km/h. Il est aussi trop fort pour transporter les bagages des deux hommes et bien adapté au « pays de la soif ». En plus, le mulet se nourrit de 3 kg d’orge par jour, contre les 5 kg nécessaires au cheval. Le chameau, lui aussi, est trop fort et bien adapté aux régions chaudes et de sable. Mais, en comparaison avec le mulet, il n’est pas utilisable dans les djebels ou dans les hautes montagnes.

La compagnie montée peut marcher habituellement 10-15 heures par jour et parcourir entre 40 et 50 km. Mais, en cas d’urgence, elle peut conserver une marche quotidienne de 70-80 km pendant plusieurs jours.
 

Compagnies montées - Algérie - Sud Oranais - Legion Etrangere
Le territoire du Sud-Oranais en Algérie.

General - Oscar de Négrier
Général Oscar de Négrier. Comme colonel, il commandait la Légion en 1881-83.
Compagnies montées - Algérie - Sud Oranais - Colonne - de Négrier - Fanion
Le fanion de la colonne du Colonel de Négrier au Sud-Oranais en 1881-82.

 

L’organisation des premières compagnies montées

En 1884, les compagnies montées deviennent une spécialité Légion ; celles de zouaves et de tirailleurs seront dissoutes. L’organisation de la compagnie montée est déjà achevée. La compagnie est composée de plusieurs pelotons ; un peloton de la Montée peut compter, dans certaines périodes, jusqu’à 120 hommes. Les légionnaires pour la montée sont choisis parmi les volontaires les plus robustes. L’effectif est porté à 215 hommes, 120 mulets et 3 chevaux. Les officiers sont à cheval, les adjudants disposent d’un mulet individuel. Le reste a un mulet pour deux hommes ; le plus ancien est le « titulaire » (il est responsable de l’animal), l’autre est « doubleur ». Pendant la marche, la moitié des légionnaires est à dos de mulet ; les autres sont à pied près de son compagnon. Ils assurent en général la protection ou aident dans les passages difficiles.

Les mulets marchent habituellement en file indienne, avec en tête des animaux résistants et bien dressés. Toutes les heures, le capitaine commande « Changez, montez ». Les deux hommes échangent leur place. En cas d’urgence, la vitesse de la marche s’accélère et les hommes à pied suivent au pas de gymnastique. L’échange se fait alors le plus fréquemment. En cas d’une action, tous les hommes mettent pied à terre en laissant leurs mulets aux quelques légionnaires chargés de les tenir.

En ce qui concerne le légionnaire de la montée : il est habillé de bourgeron (la blouse) et pantalon de toile (en hiver, en dessous, veste et pantalon de drap), ceinture de flanelle, képi avec couvre-nuque ou chéchia (un bonnet), musette et petit bidon. Sur la poitrine, il a une poche à cartouches dit Légion (modèle 1881 de Colonel de Négrier). Le légionnaire porte encore son Fusil Gras 1874. Le mulet transporte le reste pour tous les trois : les bagages, vivres, l’eau et la nourriture de plusieurs jours.

Le mulet (aussi le « brèle » dans le jargon militaire) est l’objet des soins les plus attentifs ; sa santé est le principal souci. Le pansage des mulets doit avoir lieu chaque jour obligatoirement. Le gradé (un sergent) doit voir les animaux de son groupe matin et soir. Un bon légionnaire monté doit faire passer le bien-etre de son mulet avant le sien. On dit que 99 % des blessures du mulet proviennent de la faute de l’homme et de la négligence du sergent. Si un mulet se blesse, son titulaire est puni de 15 jours de prison ; il doit aussi marcher à pied avec tout son matériel.

 

Légionnaire - Légion étrangère - 1881
Le légionnaire au début des années 1880 par P. Benigni. Notez la poche à cartouches dit Légion.

Légionnaire - 18e compagnie montée - Légion étrangère - Algérie - Sud Oranais - 1903
Un légionnaire de la 18e Compagnie Montée du 1er RE au Sud Oranais en 1903.

 

Sud-Oranais et le Maroc avant 1914

Jusqu’au milieu des années 1890, une compagnie d’infanterie de Légion est périodiquement transformée (pendant environ un an) en compagnie montée lorsqu’elle est déployée dans le Sud-Oranais. Ensuite, chacun des deux régiments de la Légion étrangère a fourni une telle compagnie, jusqu’en 1904. Depuis lors, chaque régiment possédait deux compagnies montées tournantes pour opérer dans le Sud-Oranais, près de la frontière avec le Maroc. C’est pourquoi leur dénomination se changera régulièrement.

Les durs combats s’y déroulent ; le plus célèbre à El Moungar en septembre 1903. La 22e Montée du 2e Etranger du Capitaine Vauchez y est très abîmée par une bande marocaine.

En 1907, la pacification du Maroc commence. Les montées font mouvement sur le nouveau champ de bataille pour sillonner les Hauts Plateaux au Sud marocain. Là, en mai 1908, la 24e Montée du 1er Etranger du Lieutenant Jaeglé résiste aux nombreux ennemis retranchés dans la palmeraie de Beni-Ouzien. Le lieutenant et 14 légionnaires sont tués.

En 1913, les deux régiments étrangers disposent déjà de deux compagnies montées (CM) régulières chacun. Elles sont dotées d’une Section de Mitrailleuses pour augmenter leur autonomie.

La même année, la 3e CM du 2e RE d’un certain Capitaine Rollet change le nom et devient la Compagnie Montée du Maroc (CMM). Par contre, la 14e CM du même régiment devient Compagnie Montée d’Algérie (CMA) pour opérer dans le Sud-Oranais. Il y avait alors trois compagnies montées au Maroc.
 

3e Compagnie montée - Légion étrangère - Oujda - Maroc - Camp - 1907
La 3e Compagnie Montée du 1er RE à Oujda au Maroc, avril 1907.

Compagnie montée - Légion étrangère - Algérie - Sud Oranais - Camp - 1910
Le camp d’une Compagnie Montée au Sud-Oranais, 1910.
Légionnaires - Compagnie montée - Légion étrangère - Algérie - Sud Oranais - 1910
Légionnaires d’une Compagnie Montée au Sud-Oranais, 1910.
Compagnie montée - Légion étrangère - Cachets - Rollet - 1913
Les cachets de la 9e Compagnie Montée peu connue du 1er RE (future 1re CM/1er RE) et de la 3e CM/2e RE du Capitaine Rollet, 1912.

 

Première Guerre mondiale

Pendant la Première Guerre mondiale (1914-18), les trois Montées demeurent toujours au Maroc. Elles ont pour mission principale d’escorter des convois, construire des postes et faire partie des groupes mobiles opérant contre les dissidents. La 1re CM du 1er Etranger (1er RE) est dans la région de Taza, puis à Bou Denib. Elle est citée à l’ordre de l’Armée en 1918 pour ses actions contre Abd el-Malek, l’un des chefs importants de la dissidence. La 2e CM du 1er Etranger est stationnée dans la région de Bou Denib. En août 1918, sous les ordres du Capitaine Timm, elle se bat héroïquement à Gaouz, où ses 47 légionnaires sont tués. Elle aussi est citée à l’ordre de l’Armée en 1918.

La CMM du 2e Etranger (2e RE), basée pendant la guerre dans le secteur de Koudiat el-Biad, opère entre Taza et Fez. Elle gagne une citation à l’ordre de l’Armée pour une bataille d’avril 1918.

Par contre, sur la CMA du 2e RE au Sud-Oranais en 1914-18, on sait presque rien. De la mi-avril 1918, elle rejoint le Maroc et prend à son compte de nombreuses opérations du secteur de Bou Denib.

En février 1918, les quatre compagnies montées des deux régiments étrangers deviennent unités formant corps, qui disposent d’une autonomie administrative.
 

Compagnies montées - Légion étrangère - Maroc - Première Guerre mondiale
Les trois secteurs importants des Compagnies Montées au Maroc, 1914-18. A Gaouz en 1918, 47 légionnaires de la 2e CM/1er RE sont tués.

 

Maroc et le Rif des années 1920

Après la guerre, la Légion est réorganisée. Les deux vieux régiments, très réduits par la guerre, sont entièrement reformés en 1921. De plus, deux nouveaux régiments d’infanterie de Légion (3e REI + 4e REI) sont créés au Maroc vers la fin 1920. Les quatre compagnies montées seront incorporées. Les régiments sont dotés d’une compagnie montée chacun ; une autre sera constituée.

En 1922, il y a donc cinq compagnies montées de Légion en Afrique du Nord : l’une dans le 1er, 3e et 4e REI ; deux dans le 2e REI (l’ex-2e RE).

Quatre de ces compagnies opèrent au Maroc ; la pacification du pays continue. Au nord du Maroc en 1925-26, en liaison avec les Espagnols, elles participent également à la guerre du Rif contre Abd el-Krim, le chef des rebelles locales.

Entre-temps, la Montée d’Algérie (CMA du 1er REI, l’ex-CMA du 2e RE) surveille toujours aux confins algéro-marocains, dans le Sud-Oranais. Elle devient dépositaire des traditions de toutes compagnies montées du Sud-Oranais depuis 1881.

 

Syrie au Levant

En même temps, entre 1921 et 1925, deux compagnies montées sont créées pendant la campagne du Levant (Proche-Orient), au sein des deux bataillons de 4e REI qui y sont engagés : la 13e CM du IV/4REI et la 17e CM du V/4REI. Unités rares, très peu connues, elles sont employées à la pacification de Syrie et aux travaux d’aménagement du pays.

La 13e CM est dissoute fin 1924 et rentra en Algérie. La 17e CM devient la 29e CM du 8e Bataillon du 1er REI en 1926 (ne pas confondre avec la 29e Cie du 1er REI rattachée au même bataillon en 1925). La Montée du Levant est active jusqu’à mi-juin 1934, comme la 16e CM du IV/1REI, stationnée à Palmyre en Syrie. Depuis cette date, elle a été compagnie d’infanterie.
 

29e compagnie montée - Légion étrangère - Syrie - Levant - 1929
La 29e Compagnie Montée en Syrie, 1929. L’unité de Légion peu connue.

 

La fin de la Pacification du Maroc

La CMA du 1er REI peu connue est toujours au Sud-Oranais. En octobre 1929, surveillant les confins algéro-marocains, un détachement de la CMA est furieusement attaquée par des bandes de Berbères à Djihani, au sud de Meridja (sa garnison dans la région de Béchar). Sur les 80 légionnaires de la compagnie, 52 seront tués et 8 blessés.

En août 1930, la 1re CM du 2e REI du Capitaine Fouré est attaquée à Bou-Leggou (Maroc) par les 1500 adversaires ; 19 légionnaires sont tués, 11 blessés. Pour cette bataille, Gaston Doumergue, alors le président de la République, décore personnellement le fanion de la CM/2 de la Croix de guerre des T.O.E. avec palme.

L’une des dernières batailles pour les Montées au Maroc se déroule en février 1933, au Djebel Sagho. C’est aussi l’une des dernières grandes opérations pour les troupes françaises contre les dissidents marocains. L’opération qui vit tomber au champ d’honneur une légende des spahis, le Capitaine Henri de Bournazel (L’Homme Rouge).

Trois compagnies montées de Légion, celles du 1er REI, 2e REI et du 3e REI, et une ancienne compagnie montée (l’ex-2e CM du 2e REI, déjà motorisée) y sont engagées. Le Capitaine Faucheux (CM/3), le Lieutenant Brencklé et nombre de légionnaires seront tués. Cependant, dans un an, la pacification du Maroc est officiellement achevée.

Après la fin de la pacification, une nouvelle vie commence. Les légionnaires des Montées sont occupés par des travaux de piste ou créations de postes. Ils participent aussi aux longues tournées de police pour assurer la présence de la France.
 

Compagnie montée du 2e REI - Fanion - Cne Fouré - Ltn Brencklé - Maroc - 1930
La photo prise en novembre 1930 montre le fanion de la Compagnie Montée du 2e REI qui vient d’être décoré pour sa conduite à Bou-Leggou quelques mois plus tôt. À gauche, le Capitaine Fouré, le commandant d’unité ; à droite, le Lieutenant Brencklé, qui sera tué au Djebel Sagho en 1933.

Lieutenant - 3 REI - Compagnie montée du 3e REI - Légion étrangère - Maroc - 1928-1940
Un lieutenant devant le fanion de la Cie Montée du 3e REI au Maroc, vraisemblablement dans les années 1930. Photo publiée avec l’aimable autorisation de Andrew J. Mitchell, l’auteur de Tigers of Tonkin.
Compagnie montée - Legionnaire - Mulet - Maroc
Un légionnaire et son mulet dans les djebels du Maroc.
Compagnie montée - 3e REI - Légion étrangère - Travaux de piste - Maroc
Travaux de piste au Maroc par la Compagnie montée du 3e REI, 1935.
Compagnie montée - 2e REI - Légion étrangère - Ksar es Souk - Maroc
Légionnaires de la Compagnie Montée du 2e REI pendant Noël dans leur poste à Ksar es-Souk, 1938.
Compagnie montée - 2e REI - 1939 - Sous-officiers - Légion étrangère - Ksar es Souk - Maroc
Légionnaires de la Compagnie Montée du 2e REI à Ksar es-Souk, 1939. Photo publiée avec l’aimable autorisation de M. Claude Fossé, beau-fils du SCH Ephisio Costamagna (Mat. 4041, deuxième de droite), qui a servi avec cette compagnie en 1938-43, avant d’être affecté au RMLE.
2e REI - 1938 - Compagnie montée - Legionnaire - Mulet - Ksar es Souk - Maroc
Légionnaire Costamagna avec son mulet à Ksar es-Souk. Une autre belle photo de la collection de M. Claude Fossé.
Compagnie montée - Legionnaire - Mulet - Maroc
Un mulet boit au bidon. C’est une tradition aux Compagnies Montées.

 

La motorisation des compagnies montées

Vers la fin des années 1920, la Légion commence à être motorisée. Les premières unités de Légion dotées de véhicules sont les 5e + 6e Escadron du 1er REC (Cavalerie), créés en 1929 dans le Sud-Oranais et au Maroc.

Quelques mois plus tard, la première compagnie montée sera motorisée. Pour ces unités d’infanterie mobiles, l’introduction du moteur marginalise leurs mulets fidèles et favoris. Elles seront, lentement mais sûrement, transformées en compagnies montées motorisées avant de devenir les compagnies portées. C’est-à-dire les unités d’infanterie motorisée de haute mobilité ayant sa troupe transportée par les véhicules à roues, à la place de mulets, et qui sont dotées des blindés d’auto-mitrailleuses (à la place de la section de mitrailleuses), pour conserver leur autonomie.

La motorisation est en marche. En mars 1930, le Lieutenant Gambiez de la 2e CM du 2e REI est chargé de préparer la motorisation de la compagnie, qui prévoit de profiter d’une bien meilleure mobilité et autonomie. Le premier détachement de légionnaires de la Montée va suivre des cours d’instruction sur le nouveau matériel. La compagnie est dénommée 2e Compagnie Montée Motorisée vers la fin de 1930, et puis rattachée au 1er REI en juillet 1931.

Elle change encore son titre en février 1933 pour s’appeler la Compagnie Automobile du 1er Etranger (CA/1), stationnée à Tabelbala en 1934 et composée de 278 hommes, commandés par le Capitaine Robitaille. Ils forment un peloton hors rang, un peloton porté et deux pelotons blindés dotés de quatre véhicules blindés Panhard chacun, qui remplacent les vieux Berliet et les White. En 1940, elle devient finalement la CSPL (Cie Saharienne Portée, la 1re CSPL plus tard) et va servir au Sahara jusqu’à débout de 1960.

En avril 1933, c’est la Compagnie Montée du 4e REI, qui devient Automobile (CMA/4). À l’effectif de 285 hommes sous les ordres du célèbre Capitaine Gaultier, elle est composée de quatre pelotons (même structure comme la CA/1) et implantée à Foum el Hassan en 1934. Au début de cette année, elle participe (au sein du Groupement du Colonel Trinquet, avec la CA/1 et les deux escadrons motorisés du 1er REC) au Sud du Maroc dans la campagne de l’Anti-Atlas, la première opération toute motorisée de l’armée française.

Mais la motorisation des autres compagnies montées ne continue pas si vite. La CMA (Montée d’Algérie) du 1er REI est motorisée en 1931 que sur le papier. Néanmoins, en 1933, elle possède déjà un Peloton Motorisé (Berliet CBA). En 1934, après la pacification du Maroc, la compagnie est transférée du Sud-Oranais, où elle a servi pendant plus de 20 ans, à Khenchela dans l’Est de l’Algérie. Là, elle devient la Compagnie Montée du 1er REI en 1936, avec un détachement au Sahara, dans le Territoire des Oasis. Cette unité devient finalement Compagnie Portée du 1er REI (CP/1) en janvier 1939. C’est la première compagnie de Légion avec ce titre officiel pour les unités d’infanterie motorisée.

En novembre 1940, la CP/1 devient la 9e CMP (Mixte Portée, avec des sections mixtes) du III/1, et la 1re CMP autonome en février 1941. La compagnie occupait un poste à Ouargla (Territoire des Oasis) jusqu’en 1943. Dans les archives de l’Armée de terre, la 1re Compagnie Mixte Portée du 1er REI est mentionnée comme participant à la campagne de Tunisie. Cette unité est finalement dissoute en juin 1943. En avril 1946, la 2e CSPL récemment créée du Capitaine Bernard est implantée dans le même poste à Ouargla (bordj Chandez) et en décembre, sur les demandes du capitaine, son unité devient dépositaire du fanion et les traditions de l’ancienne CMA/1 (l’insigne de la 2e CSPL est inspiré par celui-ci du CMA).

En 1939, il ne reste donc que deux vraies compagnies montées de la Légion avec ses mulets. Celles des 2e et 3e REI. On ne sait pas si c’est des sentiments nostalgiques ou les tristes événements en Europe, qui interrompt la finalisation de la motorisation des compagnies montées. Il est vrai que la CM/3e REI était déjà motorisée sur le papier et que ses légionnaires passèrent l’instruction auto, en 1939, chez leurs camarades de la CMA/4. De toute manière, les deux compagnies des 2e et 3e REI demeureront montées à mulet.
 

Compagnies Montées motorisées - Algerie - Maroc - 1934-39 - Postes
Les postes des Compagnies Montées motorisées vers la fin des années 1930. La CA/1 s’installe à Tabelbala; CMA/4 à Foum El Hassan; CP/1 à Khenchela, avec un détachement dans le Territoire des Oasis (Ouargla).

Compagnie Montée Automobile - 4e REI - Légion étrangère - Maroc - 1939
Le camp de la Compagnie Montée Automobile du 4e REI au Sud marocain, à la fin des années 1930. C’est la deuxième compagnie montée de Légion entièrement motorisée. Le charme de la vieille Légion a disparu ; la modernité le remplace, au déplaisir des hommes qui manquent l’air libre et de leurs brèles dévoués.
Compagnie Montée Automobile - 4e REI - Compagnie Montée du 3e REI - Légion étrangère - Foum El Hassan - 1939
Légionnaires de la CM/3 sortent du poste de la CMA du 4e REI à Foum El Hassan, 1939. Ce détachement du 3e REI acheva l’instruction auto. Malgré cela, leur compagnie restera motorisée que sur le papier.
Compagnie Montée d'Algérie - 1er REI - Légion étrangère - Fanion
Le fanion de la Compagnie Montée d’Algérie du 1er REI (CMA/1), dépositaire des traditions de toutes compagnies montées du Sud-Oranais depuis 1881. En 1934, l’unité est implantée à Khenchela dans le Nord-Est de l’Algérie. Un détachement s’installe au Sahara (jusqu’en 1943).
Compagnie Portée - 1er REI - Légion étrangère - Insigne
L’insigne de la toute première Compagnie Portée de la Légion étrangère (l’ex-CMA/1, son insigne dans le coin en haut à droite). Comme nous pouvons le voir, cette compagnie exceptionnelle mais très peu connue était stationnée à Khenchela même au début de 1940. Le fanion et les traditions de la compagnie seront gardés par la 2e CSPL ; l’insigne aussi fut adopté.

 

Deuxième Guerre mondiale

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les deux dernières compagnies montées restent en Afrique du Nord. En 1939 et 1940, à cause de la campagne de France, elles envoient un tiers de leurs effectifs aux unités de Légion formées en métropole. En juin 1940, l’Armistice est signé entre le Troisième Reich et le gouvernement français. La guerre est finie pour l’instant. L’armée française sera réorganisée en l’Armée d’armistice.

C’est donc pourquoi, en novembre 1940, se passe dans la Légion une grande réorganisation, suivie par le changement de dénomination et de l’affectation.

La CM du 3e REI du Lieutenant Ragot est rebaptisée la 8e Compagnie Mixte Montée (8e CMM, avec des groupes de voltigeurs, mitrailleuses, mortiers…) et stationnée à Midelt, où elle remplace le 2e REC dissous. La CM du 2e REI est rattachée au 3e REI et devient la 12e CMM du régiment. Cette compagnie, sous les ordres du Capitaine Charton, est stationnée à Ksar es-Souk. Instruction, manœuvres, travaux de toutes sortes, tournées de police, telle fut l’activité de ces compagnies au Maroc pendant la guerre.

Fin 1942, la France reprend le combat. La Légion se bat d’abord en Tunisie (jusqu’en mai 1943), puis en France (1944-45). En Afrique du Nord, il ne reste que l’effectif nécessaire. Tout est dirigé sur la métropole. Parmi les unités restant au Maroc en 1944, il y a les deux compagnies montées rattachées à la portion centrale du 3e REI de Fès (le régiment lui-même était dissous en mai 1943 pour former le célèbre RMLE partant en Europe). Les Montées ont toujours ses mulets, mais l’effectif est trop réduit.

En juin de la même année, les deux compagnies sont incorporées au GCMP/3 (Groupement de compagnies montées et portées du 3e REI) du Lieutenant-colonel Guyot. Ce groupement unifia les cinq dernières unités de la portion centrale de Fès récemment dissoute. Le GCMP a pour mission de garder la souveraineté française au Maroc pendant le reste du second conflit mondial.

Pourtant, la 12e CM (le terme mixte n’était plus utilisé) ne survivra que quatre semaines dans cette formation et fin juin 1944, l’ancienne 3e Montée du Capitaine Rollet (et l’ex-CM/2) est dissoute. Ses hommes rejoignent la 8e CM et y forment, avec leur fanion, un peloton de tradition.
 

Compagnies Montées - Légion étrangère - Maroc - 1940-44 - Postes - Map
Les postes des deux Compagnies Montées dans les années 1940. Le poste de la 8e CM à Midelt allait servir de camp de prisonniers et devait être abandonné. La compagnie sera stationnée à Khénifra.

Compagnie Montée - 3e REI - Légion étrangère - Maroc - 1939
Compagnie Montée du 3e REI au Sud marocain vers la fin des années 1930. À l’époque, c’était l’une des deux dernières compagnies montées à mulet.
Compagnie Montée - 3e REI - Légion étrangère - Maroc - Fès - 1940
Compagnie Montée du 3e REI (CM/3) défile à Fès en septembre 1940. Quelques semaines plus tard, l’unité est dénommée 8e CMM.
Compagnie Montée - 3e REI - Légion étrangère - Maroc - Djebel Ayachi - 1941
La 8e CMM du 3e REI descend du sommet Djebel Ayachi (3757 m), situé au sud-ouest de Midelt, juillet 1941.
Compagnie Montée - 3e REI - Légion étrangère - Fanion
Le fanion de la Compagnie Montée du 3e REI. En 1944, comme 8e CM, elle devient la dernière Compagnie Montée de Légion.
12e Compagnie mixte montée - 3e REI - 1940-42 - Poste - Quartier Brencklé - Légion étrangère - Ksar es Souk - Maroc
Une photo très rare montre l’entrée du Quartier Brencklé à Ksar es-Souk, vers 1941, alors poste de la 12e CMM (l’ex CM/2). Notez les légionnaires portant la double fourragère du 3e REI. Photo publiée avec l’aimable autorisation de M. Claude Fossé, beau-fils du SCH Costamagna (au milieu).
12e Compagnie mixte montée - 3e REI - 1942 - Camerone - Légion étrangère - Ksar es Souk - Maroc
La fête de Camerone de la 12e CMM à Ksar es-Souk en avril 1942. Une autre rare photo de la collection de M. Claude Fossé.
12e Compagnie mixte montée - 3e REI - 1942 - 12e CMM - Insigne - Légion étrangère
Encore en détail, les hommes de la 12e CMM portant l’insigne de leur compagnie (petit et grand modèle de l’ancien insigne de la CM/2, créé par le Capitaine Lagarrigue en 1935). Collection de M. Claude Fossé.
8e Compagnie Mixte Montée - 12e Compagnie Mixte Montée - 3e REI - Légion étrangère - Maroc - 1943
Une très rare photo montre les fanions de la 8e CMM (l’ex-CM/3) et la 12e CMM (l’ex-CM/2), les deux dernières Compagnies Montées de Légion, à Ksar es-Souk au Maroc, début 1943.
Compagnie Montée - 2e REI - Légion étrangère - Fanion
Le fanion de la Compagnie Montée du 2e REI. Dans les sources officielles de la Légion, on peut lire que l’unité a gagné quatre citations à l’ordre de l’Armée en 1914-18 et la fourragère. Mais, comme on voit, c’est une méprise. Le fanion n’a jamais porté quatre citations/palmes et non plus la fourragère. Il est décoré du Mérite militaire chérifien, du Croix de guerre 1914-1918 avec deux palmes et du Croix de guerre des TOE avec palme. L’unité devint 12e CMM/3e REI à la fin de 1940 avant d’être définitivement dissoute à la mi-1944.
Compagnie Montée - 2e REI - Légion étrangère - Insigne
L’insigne de la Compagnie Montée du 2e REI. Créé en 1935 par le Capitaine Lagarrigue, il est porté même après 1940.

 

8e Compagnie Montée : La dernière Montée de Légion

Depuis le 1er juillet 1944, la 8e CM (8e Esel, dans le jargon de Légion ; l’esel signifie l’âne en allemand), stationnée à Khénifra sous les ordres du Capitaine Pfirrmann, est donc la seule Compagnie Montée de Légion qui demeure active. Ses légionnaires sont occupés par des travaux de piste, d’aménagement de poste ou par instruction ; ils font aussi des marches et des tournées de police dans le territoire (pacifié depuis dix ans) et participent aux manœuvres avec les unités voisines du secteur.

À propos, parmi les unités du GCMP, il y avait aussi une ancienne compagnie montée, alors motorisée : la 13e CP (Portée), l’ex-CMA/4, implantée toujours à Foum el Hassan au Sud marocain.

La guerre est finie avec la capitulation du Japon en septembre 1945. Quelques mois plus tard, les premières unités de la Légion sont parties en Extrême-Orient, pour reprendre le contrôle de l’Indochine française. La Légion est de nouveau réorganisée. Une 4e DBLEM (Demi-brigade du Maroc, sous le drapeau du 4e REI) est formée à Fès en septembre 1946, pour y remplacer le 3e REI reconstitué, alors en Indochine.

Le même mois, la 8e Montée du Capitaine Le Toulec est retirée du GCMP pour être rattachée à la demi-brigade le 1er octobre. Elle devient Compagnie Montée du 4e DBLEM (CM/4) et sera implantée à Ksar es-Souk, une ancienne garnison de la Montée du 2e REI, qui tenait encore son peloton de tradition au sein de la compagnie.

En octobre 1948, la demi-brigade changement son titre pour devenir un régiment. La montée est donc dénommée la Compagnie Montée du 4e REI. À l’époque, elle déjà possédait un peloton porté, équipé de six Latil 4×4, deux Dodge 4×4 et un GMC.

Un an plus tard, fin décembre 1949, l’épopée glorieuse des compagnies montée de Légion s’achève. La modernisation de l’armée française, renforcée en 1944 avec le programme de réarmement, est en pleine marche. La motorisation entière est donc prescrite même pour la dernière compagnie montée de l’époque, celle du 4e REI, commandée par le Capitaine Roux.

Le 1er janvier 1950 à Ksar es-Souk, la Compagnie Montée, l’une des rares unités élémentaires de Légion a avoir son propre chant (Suzanna, le chant traditionnel des Montées), devient la Compagnie Portée du 4e REI (CP/4).
 

Compagnie Montée - 3e REI - 4e REI - Légion étrangère - Insigne
L’insigne de la Compagnie Montée du 3e REI. Créé vers 1935, il est porté jusqu’en 1950, puis adopté par la Compagnie Portée du 4e REI pour l’utiliser jusqu’en 1957.

Légionnaire - Compagnie Montée - 4e REI - Légion étrangère - Maroc - 1948
Un légionnaire du Peloton porté de la Compagnie Montée du 4e REI en 1948, par le Capitaine P. Carles. Comme on voit, le Peloton est équipé de Dodge 4×4. Huit ans plus tard, le 4e REI deviendrait le premier régiment d’infanterie de la Légion étrangère entièrement motorisé.

 

Conclusion

Ainsi se termine une épopée magnifique des compagnies montées, ces prestigieuses unités d’élite, et ses 68 années de longues marches, de durs combats, de pénibles travaux. Une page de l’histoire de la Légion est tournée.

La Compagnie Portée resta à Ksar es-Souk jusqu’en mars 1952. Elle gardait son autonomie et ses traditions très particulières. Un peloton monté est aussi conservé au sein de l’unité pendant les premières années d’existence, comme une relique du bon vieux temps. En avril 1952, la compagnie quitte le Sud marocain et s’installe à Khénifra, son ancienne garnison. Là, en 1955, elle est rebaptisée 1re Compagnie Portée. Vers la fin de 1956, le tout entier 4e REI est réorganisé et devient le premier régiment d’infanterie porté de la Légion, équipé avec les Dodges.

C’est au sein de cette réorganisation que l’ancienne Compagnie Montée du 4e REI (1920-33, puis CMA/4 motorisée) rejoignit le régiment, après seize ans d’exil, et prend l’appellation de 4e Compagnie Portée.

Le régiment réorganisé quitte Maroc pour participer à la guerre d’Algérie (1954-62). La 1re CP du 4e REI, dépositaire des traditions de la dernière Compagnie Montée, est dissoute en mars 1963 ; le régiment la suivra en avril 1964.

Aujourd’hui, l’insigne de la 1re CP/4e REI est porté par la 1re Compagnie d’engagés volontaires du 4e RE (le régiment créé à Castelnaudary en 1980).
 

Compagnie Portée - 4e REI - Légion étrangère - Maroc - Fanion
Le fanion de la Compagnie Portée du 4e REI, créée le 1er janvier 1950.

Compagnie Portée - 4e REI - Légion étrangère - Maroc - Fanion - 1955
Le fanion de la Compagnie Portée du 4e REI, en 1955. Notez que les légionnaires gardent toujours leur autonomie et ne porte pas encore l’insigne du 4e Etranger. Le fanion est orné d’une queue de cheval (un attribut cavalerie des compagnies portées) ; sa couleur blanche signifie qu’un des commandants de l’unité tomba au champ d’honneur (dans ce cas, le Capitaine Faucheux de la CM/3 en 1933).
Tapanar - 2e REI - Légion étrangère - Mulet - 2010
Le mulet Tapanar, la mascotte du 2e REI, conserve le souvenir des compagnies montées de Légion.

 
 

 

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L’article original: Foreign Legion Mounted Companies

 

 

Principales sources d’informations et d’images:
Képi blanc revues
Légion étrangère revues
André-Paul Comor: Aux origines de l’infanterie portée et de la cavalerie blindée (Guerres mondiales et conflits contemporains, 2007/1)
Jacques Ragot: De Gaulle, la Légion, l’Algerie (Graphica, 1984)
Jacques Hortes: Les Compagnies Montées de la Légion étrangère (Editions Gandini, 2001)
J. Brunon, G-R. Manue, P. Carles: Livre d’Or de la Légion étrangère (Lavauzelle, 1976)
Gén. Grisot, Ltn Coulombon: Légion étrangère 1831 à 1887 (Berger-Levrault, 1888)
P. Cart-Tanneur + Tibor Szecsko: Le 4eme Etranger (Editions B.I.P., 1987)
P. Cart-Tanneur + Tibor Szecsko: La vieille garde (Editions B.I.P., 1987)
Pierre Dufour: La Légion en 14-18 (Pygmalion, 2003)
J. P. Mahuault: Légionnaires Sahariens (L’esprit du Livre, 2011)
Google Maps
Wikipedia.org

 

 

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La page a été mise à jour le : 12 mai 2020

 

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