11e Régiment Étranger d’Infanterie

Le 11e Régiment Étranger d’Infanterie (11e REI) était la première unité de la Légion étrangère appelée sur le front de France pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce régiment était une unité provisoire de la Légion étrangère destinée à la défense de la France métropolitaine contre l’Allemagne.

Le 11e REI est constitué au Sud-Est du pays en novembre 1939. Il est composé surtout de légionnaires venant de l’Afrique du Nord, de réservistes ayant servi dans la Légion et d’engagés volontaires étrangers. En 1940, pendant la Bataille de France, le régiment participait aux combats lourds avec les troupes allemandes. Au cours de ces combats, l’unité a perdu beaucoup de ses hommes. Le 11e Étranger était dissous fin juin 1940, après l’armistice.

 
11e Régiment Étranger d’Infanterie - L'historique - 11e REI

 

Prologue : La France en fin 1939

Début septembre 1939, après d’intenses bombardements, les troupes allemandes envahissent la Pologne. Deux jours plus tard, le 3 septembre, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne. La mobilisation en France commence. En considération de la longue tradition des volontaires étrangers voulant se battre pour la France, les premières unités sont formées pour accueillir les volontaires. Pour l’administration, ces formations nouvelles de l’armée française sont rattachés à la Légion étrangère. Le dépôt principal de la Légion en France est constitué au camp de Sathonay, au nord de Lyon. Le dépôt doit recruter, former, équiper, instruire et administrer les futurs militaires destinés à servir dans les régiments provisoires de Légion formés 20 km à l’est, au camp de La Valbonne.

 

Création du régiment

Le 11e Régiment Etranger d’Infanterie (11e REI) est créé le 1er novembre 1939 au camp de La Valbonne, un camp militaire situé dans l’Ain, au nord-est de Lyon. Le colonel Fernand Maire prend le commandement du régiment. Le colonel Maire est un ancien officier et une figure légendaire ayant servi à la Légion en 1914-1936. Il était le chef de corps du 1er REI (1er RE aujourd’hui) en 1934-1936, avant d’être parti en retraite. En 1939, le colonel Maire a publié un livre avec ses souvenirs de la Légion.

Le régiment est formé par des gradés et des légionnaires actif venus des régiments étrangers de l’Afrique du Nord, des réservistes ayant déjà servi à la Légion, et par des E.V.D.G. (Engagés Volontaires pour la Durée de la Guerre) des pays étrangers. Les officiers sont en grande partie venus des régiments de la Légion. Toutefois, il y a également beaucoup d’officiers de réserve n’ayant jamais servi à la Légion ou même en Afrique. Mais ils sont rapidement pris en main par des officiers d’active et convertis à la foi légionnaire. Des contingents d’officiers et sous-officiers français sont aussi fournis par les régiments d’Afrique de Nord (de tirailleurs algériens ou marocains).

 

Installation et l’instruction

Le 6 novembre, en voie de constitution, le régiment formé d’un état-major et de trois bataillons quitte La Valbonne.

Les bataillons du 11e REI s’installent dans les villages autour du camp de la Valbonne : Dagneux (1er Bataillon), Bressolles (2e Bataillon) et Béligneux (3e Bataillon). Le régiment s’y occupe activement de l’instruction et de la perception du matériel. Mais il n’a reçu qu’une partie insuffisante de ses dotations. Par exemple, quand il est parti pour le front, le 11e REI n’a perçu que quatre cents paquets de pansements sur les trois mille prévus, neuf canons de 25 mm sur douze, douze marmites norvégiennes sur quatre-vingt-dix, etc. Chaque homme n’a qu’un seul couvre-pieds.

D’autre part, l’instruction de base fut poussée. Les bataillons font des marches et tirs. Mais le régiment, dispersé sur les sites différents, n’a jamais manœuvré avec la totalité de ses effectifs. En plus, il n’y avait aucune manœuvre en liaison avec l’artillerie ou avec les chars de la cavalerie blindée. L’état-major de la 3e Armée fait évidemment assez de crédit à la renommée légionnaire comme soldat d’élite.
 

Composition du 11e REI en novembre 1939

  • Commandement : colonel Maire
  • Etat-major : chef de bataillon Robitaille
  • Compagnie de commandement : capitaine Perret
  • Compagnie hors rang : capitaine Chiron
  • Compagnie régimentaire d’engins : capitaine Costa
  • 1er Bataillon : chef de bataillon Auffrey
  • 2e Bataillon : chef de bataillon Brissard
  • 3e Bataillon : chef de bataillon Guyot

 
 
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1939 - Camp de la Valbonne

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1939 - Camp de la Valbonne
Le camp de La Valbonne dans les années 1930.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1939 - Colonel Maire
Le colonel Maire et le 11e REI pendant une cérémonie en 1939.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1939 - Colonel Maire
Le colonel Maire, le premier chef de corps du 11e REI et une figure légendaire. Il a servi dans la Légion en 1914-36.

 

Sur le front

Le 11e REI est parti sur le front le 15 décembre 1939. Il est composé de 79 officiers, 184 sous-officiers et 2 390 hommes de troupe (soit 2 653 hommes). En majorité, les Polonais et les Espagnols. Deux jours plus tard, le régiment arrive en Lorraine et fut chargé de tenir les avant-postes au nord-est de Metz, dans le secteur de Thionville, au-delà de la ligne Maginot. Les hommes montent en ligne dans la nuit de 1er au 2 janvier 1940, au cours de l’hiver rigoureux de 1939-40 (la température est tombée à -20°C), dans le pays de Sierck. C’est une région au nord-est de Thionville, située tout près de la frontière avec le Luxembourg et l’Allemagne.

Durant la « drôle de guerre » (2 septembre 1939 – 10 mai 1940), la stratégie française est strictement défensive en s’appuyant sur la ligne Maginot. Pourtant, c’est dans ce secteur où sont tombés pendant des patrouilles les premiers légionnaires du 11e Etranger, victimes des accrochages avec les Allemands de leurs lignes toutes proches. Mais, le manque des dotations, l’hiver intense et la vie en première ligne, toutes ces conditions cruelles permettent de créer l’esprit de corps du tout jeune régiment composé des éléments divers. Les hommes du 11e REI se distinguent au cours de nombreuses embuscades.

Le 1er février, le régiment est placé dans le secteur de Metzervisse, au sud-est de Thionville. Il reçoit pour mission de creuser des fossés antichar dans la terre gelée.

Le 12 février, douze officiers et trente sous-officiers sont affectés au camp de La Valbonne pour encadrer un nouveau régiment étranger en formation, le 12e REI.

Le 24 février, le colonel Georges Robert arrive au régiment et le 1er mars 1940, il prend le commandement du 11e REI. Le colonel Robert a servi à la Légion comme lieutenant en 1913-1917; en avril 1939, il était nommé le chef de corps du 1er REI à Sidi Bel Abbés. Par contre, le colonel Maire quitte le 11e REI et prend définitivement sa retraite bien méritée.

À la mi-mars, les unités du 11e REI sont redéployées derrière la ligne Maginot, pour soutenir les unités stationnées en avant-postes. Les hommes effectuent des travaux de renforcement de la ligne de défense et d’entraînement au tir.

Le 15 avril, le 11e REI (jusqu’alors unité de secteur) est rattaché à la 6e Division d’Infanterie Nord-Africaine (6e DINA) du général de Verdilhac, où le régiment a remplacé la 24e Demi-brigade de chasseurs envoyée en Norvège. Les unités du régiment s’installent plus au sud, dans la région de Boulay (a l’est de Metz), toujours en Lorraine.

En même temps, les groupes francs composés d’un lieutenant et 30 volontaires sont constitués dans le 11e REI, un groupe par bataillon. Ces groupes sont rattachés a d’autres groupes francs de la 6e DINA et commandés par le capitaine de Dompierre du 9e RTM (un régiment de tirailleurs marocains de la division). Les groupes ont pour mission de patrouiller et d’observer dans la nuit dans le no man’s land, en avant de la ligne fortifiée, pour obtenir des renseignements importants sur l’ennemi.

Le 30 avril 1940, pendant la cérémonie de Camerone près de Boulay, le 11e Régiment Etranger reçoit son Drapeau, comme la seule unité de la Légion constituée pour la durée de la guerre en 1939-1940. En ce temps-là, le régiment est composé de 3 015 hommes.
 
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Thionville - Sierck - Boulay - Map

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Metzervisse - légionnaires
Les légionnaires du 11e REI à Metzervisse, mars 1940.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Metzervisse - Fanion
Un fanion de compagnie du 11e REI à Metzervisse, mars 1940.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Boulay - Drapeau
Les 3 000 hommes du 11e REI pendant la céremonie de Camerone du 30 avril 1940 près de Boulay, au cours laquelle le régiment reçoit son Drapeau (au centre, porté par le lieutenant Pierre). Notez les motos et les Chenillettes Renault UE du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Boulay - Musique
La musique du 11e REI près de Boulay, le 30 avril 1940.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1940 - Colonel Robert - Georges Robert
Le colonel Georges Robert. Le 1er mars 1940, il remplace le colonel Maire à la tête du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1940 - Diplome - General Rollet
Le 13 mars 1940, le général Rollet, le père de la Légion légendaire, est nommé le légionnaire de 1ère classe à titre honoraire de la Compagnie de Commandement du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1940 - Insigne
L’insigne du 11e REI, dessiné fin 1939.

 

Bataille de France

La « drôle de guerre » en France, commencée par la déclaration de guerre à l’Allemagne nazie le 3 septembre 1939, prend définitivement fin le 10 mai 1940. Ce jour-là, les armées allemandes lancent le Fall Gelb. C’était une vaste offensive sur le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas, puis à travers les Ardennes belges afin d’attaquer le front français sur la Meuse, près de Sedan, dès le 12 mai. La bataille de France commence.

Les unités blindées allemandes ont réussi à franchir la Meuse près de Sedan le 14 mai. Dès le 16 mai aux Ardennes, les violent attaques allemandes contre la 3e DINA du général Chapouilly (une autre des divisions nord-africaines) dans le secteur Ferté-Inor, 25 km au sud de Sedan.

Le 20 mai dans la soirée, les légionnaires du 11e Régiment Etranger se mettent en route. Ils marchent vers le front, aux bois d’Inor, pour relever la 3e DINA la nuit suivante. Le secteur d’Inor (déjà abandonné par cette division) est plein de cadavres, d’hommes blessés, d’égarés, de chevaux morts, de matériel et d’équipement épars. Les unités du 11e REI s’installent le matin du 22 mai en attendant. Leur mission est de retarder ou stopper les troupes allemandes. Et toujours, l’artillerie ennemie de gros calibres de 150 et 210 mm tire et blesse.
 

Composition du 11e REI en mai 1940

  • Commandement : colonel Robert
  • Etat-major : chef de bataillon Robitaille
  • Compagnie de commandement : capitaine Lignez
  • Compagnie hors rang : capitaine Chiron
  • Compagnie régimentaire d’engins : capitaine Costa
  • 1er Bataillon : capitaine Rouillon
  • 2e Bataillon : chef de bataillon Rzekiecki d’Alegron
  • 3e Bataillon : capitaine Gaultier

 
 

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Bois d'Inor - Ferté
Le 22 mai 1940, le 11e REI tient positions dans les bois d’Inor en attendant les troupes allemandes venant de la Belgique, par des Ardennes.

 

Bataille du Bois d’Inor

Le 27 mai à 3 heures du matin, une imposante préparation d’artillerie allemande se déclenche dans le Bois d’Inor, sur tout le front de la 6e DINA. Deux heures plus tard, les Allemands attaquent. Le 11e REI en tête de la division, il reçoit l’assaut direct des trois régiments de la 56e Division allemande du général Kriebel. Le choc est rude. Cependant, après douze heures de combat, même avec les baïonnettes, les légionnaires ont rempli leur mission et arrêtent la progression de l’ennemi. Des centaines des soldats allemands sont tués ou blessés dans cette bataille héroïque.

Le lendemain, le général de Verdilhac du 6e DINA exprime son admiration et s’adresse au colonel Robert du 11e REI ces trois mots courts : « Bravo, la Légion ! »

Le 29 mai, le colonel Robert est nommé au commandement des unités d’infanterie de la 6e DINA. Le chef de bataillon Clément lui remplace à la tête du 11e REI. Il est venu du 78e Régiment d’Infanterie. Auparavant, cet officier peu connu servait dans la Légion au Maroc, où il a commandé le 1er Bataillon du 3e REI dans les années 1930. Il faut noter que le commandant Clément est souvent confondu avec le capitaine Clément de la Compagnie d’Appui N°1 (CA1) du 11e REI, le futur chef de bataillon dans la 4e DBLE au Sénégal en 1941-42 et au RMLE en 1943-45.

Le 3 juin, un renfort de 98 jeunes légionnaires arrive au régiment. À ce moment-la, le 11e REI est composé d’environ 2 600 hommes officiellement. Mais, jusqu’ici, le régiment a aussi perdu 504 hommes qui sont tués, blessés ou disparus.

 

Le repli sur Saint-Germain-sur-Meuse

Le 9 juin, le 11e Etranger est dans le secteur de Baâlon, à l’est de Stenay. Le 11 juin, la 6e Division Nord-Africaine, isolée par rapport à l’ensemble des troupes françaises, a reçu l’ordre de repli au sud. Le 13 juin, elle est 40 km au sud, dans le secteur de Verdun. Pendant cette marche, les Allemandes attaquent toujours. Il y a des blessés et des tués. Trois jours plus tard, après une marche longue et pénible, le régiment se trouve 70 km au sud, à Void. Dans cette région, le 11e REI s’installe autour Saint-Germain-sur-Meuse, une petite commune 6 km au sud-ouest de Void et à l’ouest de Toul, l’objectif principal des troupes allemandes.

Une section de l’adjudant Romanovitch reste à Void pour garder le pont à travers le canal de la Marne au Rhin et faire le sauter s’il est nécessaire. Le pont est détruit dans la soirée, après un repli des derniers éléments français.
 
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Stenay - Verdun - Void - Saint-Germain-sur-Meuse - Toul - Map

 

Bataille de Void

Le 17 juin tard dans la soirée, le commandant Clément a reçu un ordre du général de la division. Il faut envoyer un bataillon du 11e REI encore sur Void, pour ralentir un peu la progression de l’ennemi. Le chef de bataillon Rzekiecki d’Alegron est volontaire. Le 18 juin à deux heures du matin, sans illusion, il se porte à la tête de ses légionnaires du 2e Bataillon pour un ultime baroud d’honneur.

Deux heures plus tard, le contact avec l’ennemi est pris. Le chef de bataillon Rzekiecki d’Alegron est tombé, les balles dans le corps. Un simple légionnaire en 1917, il est tué avec l’avant-garde. Les sections entières du 2e Bataillon sont liquidées au canon et à la mitrailleuse. À six heures du matin, le bataillon est très abîmé. Il reste qu’un groupe de combat (15 hommes) de la 5e Compagnie, une section de la 6e Compagnie. Seule la 7e Compagnie est toujours au combat, comme la CA2 restant en réserve. Elles ont chacune encore la moitié de son effectif. Dans la matinée du 18 juin, les survivants reçoivent l’ordre de retourner à Saint-Germain-sur-Meuse.
 

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - chef de bataillon d’Alegron - Henryk Rzekiecki d’Alegron
Henryk Rzekiecki d’Alegron. Le commandant du 2e Bataillon du 11e REI en 1940. Un simple légionnaire en France en 1917, né en 1893 à Starkowo dans une famille de la noblesse polonaise, il est tué à la tête de ses hommes le 18 juin 1940, près de Void.

 

Bataille de Saint-Germain-sur-Meuse

Le 18 juin au matin, le 11e REI reçoit l’ordre de se tenir à Saint-Germain-sur-Meuse jusqu’au bout. Il faut se battre jusqu’à la dernière chute. Les légionnaires sont très fatigués après la marche pénible des derniers jours. En plus, ils n’ont pas mangé suffisamment pendant la même période. Il y a que peu de munitions. Ce sera un baroud d’honneur pour le 11e REI, qui est seul face à l’ennemi.

Le régiment a pour mission de garder deux ponts importants à travers la Meuse. Ceux de Saint-Germain-sur-Meuse et d’Ugny-sur-Meuse, au sud du premier village. Les ponts sont gardés par le 1er Bataillon du capitaine Rouillon et les survivants du 2e Bataillon, commandé provisoirement par le capitaine Le Moine, l’adjudant-major. Le P.C. du 3e Bataillon du chef de bataillon Gaultier s’installe à Ugny. Ses compagnies sont en réserve en arrière de la Meuse.

Le commandant Clément et son P.C. du régiment sont placés dans une cave sous le bureau de poste du village. La base arrière du 11e REI reste dans un bois au sommet d’une colline à l’est de Saint-Germain-sur-Meuse (il y a une carrière à ciel ouvert aujourd’hui).

À dix heures, l’attaque allemande commence par des armes automatiques et l’artillerie. Le pilonnage systématique est précis. C’est une pluie continue d’obus. Les blessés arrivent par groupes. Les Allemands veulent en finir au plus vite. Bientôt, la situation est totalement intenable pour le 11e Etranger. Mais, le tout dernier ordre de la 6e DINA spécifie qu’il faut tenir coûte que coûte jusqu’au dix heures du soir, l’heure du nouveau repli.

Vers quatorze heures, l’ennemi est très rapproché, on bordure de la rivière. Saint-Germain-sur-Meuse est sous son feu. Durant tout l’après-midi, le bombardement se poursuit. En milieu d’après-midi, le régiment dépasse le nombre de 250 blessés.

Vers six heures du soir, malgré une réaction violente des officiers, le commandant Clément donne l’ordre de brûler le drapeau du régiment pour n’être pas pris par l’ennemi. Une chose très extraordinaire dans l’histoire de la Légion. Le lieutenant Virenque, l’officier de renseignements, est obligé d’exécuter l’ordre. Il a conservé la cravate du drapeau au moins.

Deux heures plus tard, le nombre des blessés dépasse 370. Dizaines des hommes sont tués.
 

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Saint-Germain-sur-Meuse - Map
Le 18 juin 1940, le 11e REI garde les deux ponts à Saint-Germain-sur-Meuse. Le commandant (C) est placé avec son P.C. dans une cave sous le bureau de poste du village. La base arrière du régiment (3) reste dans un bois au sommet d’une colline à l’est du village. Le 3e Bataillon en réserve s’installe à Ugny-sur-Meuse.

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - Saint-Germain-sur-Meuse - Pont
Le pont à l’ouest de Saint-Germain-sur-Meuse gardé en juin 1940 par les légionnaires du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - Saint-Germain-sur-Meuse - Poste
Le 18 juin 1940, le commandant Clément était placé avec son P.C. du 11e REI dans la cave de ce bureau de poste de Saint-Germain-sur-Meuse.

 

Le repli sur Blénod et l’Armistice

Vers dix heures du soir, le P.C. de régiment, y compris le commandant, est évacué par une compagnie du 1er Bataillon. Entre-temps, l’ennemi interrompt le feu meurtrier. Le 19 juin après minuit, le 11e REI commence son repli vers Blénod-lès-Toul, situé 15 km au sud-est, pour s’installer là-bas. Les 21 et 22 juin, le régiment est près de Crézilles, encore 4 km au sud-est, dans le secteur d’Ochey. La cravate frangée d’or du drapeau brûlé et le fanion du 1er Bataillon sont déposés dans une boîte métallique et cachés sous le porche de l’église Saint-Gengoult de Crézilles (ils seront repris fin 1941 pour remmener en Algérie).

La 6e DINA reste une unité animée par la volonté de se battre. Son commandant ne lui a demandé que de tenir, sans ravitaillement, sans renouvellement de munitions, sans soutien d’artillerie.

Mais, le 22 juin, l’Armistice est signé entre le représentant du Troisième Reich allemand et celui du gouvernement français. La guerre est finie. La France métropolitaine est divisée en deux parties par une ligne de démarcation, la zone occupée par l’Armée allemande et la zone dite « libre ».
 
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Stenay - Verdun - Void - Saint-Germain-sur-Meuse - Blénod - Crézilles - Ochey - Map

 

Après l’Armistice

Le 23 juin, les survivants blessés et épuisés du régiment sont faits prisonniers, avec le reste de la division, encerclée dans les secteurs de Crézilles et d’Ochey. Ils sont dirigés sur Verdun, dans un camp de prisonniers : le Frontstalag 240. Le régiment cesse d’exister. Les quatre cinquièmes d’hommes du 11e REI sont perdus pendant la Bataille de France – tués, blessés, capturés ou disparus.

Seuls les 578 officiers et légionnaires du 11e Régiment Etranger d’Infanterie réussissent à s’échapper et passent la ligne de démarcation pour se réfugier dans la zone libre. Ils rejoignent les hommes du Dépôt de la Légion de Sathonay dans Aix-en-Provence. L’ensemble s’installent ensuite à Fuveau, dans Sud-Est de la France.

Le 14 juillet, ils défilent devant le public de Fuveau.

Fin juillet, pour occuper utilement les hommes, le projet de la « Route de la Légion » prend naissance. Une route des quelques centaines de mètres située près de l’Ermitage de Saint Jean du Puy, dans le secteur de Trets, 10 km au nord-est d’Aubagne, la Maison Mère de la Légion d’aujourd’hui. En août 1940, les rescapés du 12e REI (un autre régiment provisoire de Légion, né en février 1940) arrivent à Fuveau. Les légionnaires d’active sont dirigés vers l’Algérie, pour rejoindre Sidi Bel Abbés, la Maison Mère de la Légion à l’époque. Pour finir la Route, ils ne restent que les engagés volontaires pour la durée de la guerre des deux régiments et du Dépôt. Ils seront répartis entre quatre unités de travailleurs (Groupements de Travailleurs Etrangers – GTE). Le Dépôt de Légion de Fuveau est finalement dissous le 22 août.
 
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Aubagne - Fuveau - Trets - Saint Jean du Puy - Map

11e REI - 11 REI - 1940 - Route de la Légion - La Borne
La borne originelle de la Route de la Légion, un chemin forestier percé non loin de l’Ermitage de Saint Jean du Puy en juillet-août 1940 par des rescapés du 11e REI.

 

Conclusion

Les légionnaires, réservistes et les engagés volontaires mal équipés du tout jeune 11e Régiment Etranger d’Infanterie se battaient finalement tous comme des vieux guerriers, contre la supériorité de l’adversaire de l’armée moderne, appuyé en plus par l’artillerie lourde et l’aviation. Ils ne se sont jamais laissés entamer par l’ennemi, toujours formant une unité cohérente. Un chef de bataillon et cinq commandants de compagnie du régiment sont tués au combat.

Début septembre 1941, le 11e REI est cité à l’ordre de l’armée.

Quelques semaines plus tard, fin septembre 1941, la cravate du drapeau du 11e REI et le fanion du 1er Bataillon sont récupérés à Crézilles par une ambulancière, Mde Meiffredy. C’est grâce aux indications du chef de bataillon Robitaille, le commandant du 3e Bataillon du 6e REI à l’époque (qui venait juste de rentrer du Levant avec son unité) et l’ex-chef d’Etat-major du 11e REI en 1939-40. Les deux emblèmes sont remmenés en Algérie et déposés à la Salle d’honneur de la Légion à Sidi Bel Abbés. À propos, le chef de bataillon Robitaille s’illustrait déjà comme le commandant la CA/1REI (future 1re CSPL) à Tabelbala au Sahara, où il construisait avec ses légionnaires un poste célèbre et ultra-moderne en 1934-36.

Le 5 mars 1946 en France, l’Amicale des anciens du 11e REI est fondée. Elle est présidée par M. Rouillon, l’ex-commandant du 1er Bataillon du 11e REI, et par M. Drouineau, l’ex-chef de section à la CA1. En avril 1946 à Sidi Bel Abbés en Algérie, les fanions du 3e Bataillon et celui de la CA1 sont remis à la Salle d’honneur de la Légion par une délégation belge des anciens du 11e REI.

Dans les années 2000, un monument aux morts des 11e et 12e REI est construit près de la Route de la Légion, au sud de Trets. Chaque année, au début novembre, une cérémonie s’y déroule pour rendre honneur aux hommes des deux régiments de Légion qui se sont battus en France en 1940.

En 2018, le Groupement de Recrutement de la Légion Etrangère (GRLE) reçoit le nouveau drapeau du 11e REI pour le garder.

 

Les officiers du 11e REI tués en 1940

Chef de bataillon Henryk (Henri) Rzekiecki d’Alegron
– commandant le 2e Bataillon du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Capitaine Jules Emanuelli
– commandant la 3e Compagnie du 11e REI
– tué le 27 mai 1940

Capitaine Louis Lanchon (né Lefebvre)
– commandant la 5e Compagnie du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Capitaine Jean Magne
– commandant la 6e Compagnie du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Capitaine Albéric Urvoy de Closmadeuc
– commandant la Compagnie d’Appui N°2 (CA2) du 11e REI
– tué le 27 mai 1940

Lieutenant Jacques de Rousiers
– l’officier de transmissions du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Lieutenant Jean Hafenscher
– chef de section à la 6e Compagnie du 11e REI
– gravement blessé le 13 mai, mort le 20 mai 1940

Lieutenant André Jabouille
– chef de section à la CA2 du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Lieutenant Marc Jurion
– chef de section à la 1re Compagnie du 11e REI
– chef de groupe franc
– tué le 13 mai 1940

Lieutenant Benoît Seillon
– commandant la 2e Compagnie du 11e REI
– l’ex-officier de dépannage à la Compagnie Hors-Rang
– disparu le 22 mai 1940

Lieutenant Roger Viel
– chef de section à la CA2 du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Capitaine-abbé Jean Wattel
– l’aumônier divisionnaire au 11e REI
– tué le 27 mai 1940

 

11e REI - 11 REI - L'église Saint-Gengoult de Crézilles
L’église Saint-Gengoult de Crézilles. Le 21 ou 22 juin 1940, la cravate du drapeau brûlé du 11e REI et le fanion du 1er Bataillon étaient déposés dans une boîte métallique et cachés sous le porche de l’église. La boîte est récupérée fin septembre 1941 et les deux emblèmes sont remmenés en Algérie avec les rescapés du Levant.

11e REI - 11 REI - Cravate du drapeau
La cravate frangée d’or du drapeau brûlé du 11e REI en 1942 et dans les années 1980. Elle porte la Croix de guerre avec une palme.
11e REI - 11 REI - Fanion - 1er Bataillon
Le fanion du 1er Bataillon du 11e REI en 1942 et dans les années 1980. Notez que le fanion de 1942 porte encore une cravate bleue.
11e REI - 11 REI - Fanion - 3e Bataillon
Le fanion du 3e Bataillon du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Fanion - Compagnie d'appui - CA1
Le fanion de la Compagnie d’Appui N°1 (CA1) du 11e REI du capitaine Clément. Cet officier est souvent confondu avec le chef de bataillon Clément, le dernier chef de corps du régiment.
11e REI - 11 REI - 1946 - General Robert - Colonel Clement
Une rare photo des deux derniers chefs de corps du 11e REI réunis à Sidi Bel Abbés en 1946. Le général Robert (à gauche) et le LCL Clément (au milieu), qui est promu au grade de commandeur de la Légion d’honneur.
11e REI - 11 REI - Fanion - 3e Bataillon
Une stèle dans le Bois d’Inor pour commémorer le combat héroïque du 11e REI du 27 mai 1940. La stèle était inaugurée en mai 2000.
11e REI - 11 REI - Monument aux morts - Legion etrangere - Trets
Un monument aux morts des 11e et 12e REI au sud de Trets. Notez la borne de la Route de la Légion, modernisée et placée là.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Louis-Antoine Gaultier
Louis-Antoine Gaultier. Un officier légendaire de Légion. Le chef du 3e Bataillon du 11e REI en 1940. Dans la Légion en 1922-40 et 1941-50. Il a commandé la Compagnie Auto du 4e REI au Maroc, le RMLE en France en 1944-45 ou le DCRE (puis rebaptisé le 1er REI) en Algérie en 1946-50.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Maurice Brochet de Vaugrigneuse
Maurice Brochet de Vaugrigneuse. Le capitaine adjudant-major au 2e Bataillon du 11e REI. Blessé le 27 mai au Bois d’Inor. Avant la guerre, cet officier moins connu avait servi à la cie montée du 3e REI. Au Sénégal avec la 4e DBLE en 1941-42, il a participé ensuite à la campagne de Tunisie en 1943 et celle de France en 1944-45. Il trouva une mort glorieuse en Algérie en 1957, à la tête du 3e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Frédéric Gheysens
Frédéric Gheysens. Le chef de section au 1er Bataillon du 11e REI. Il était l’un des derniers éléments à quitter Saint-Germain-sur-Meuse. Il est fait prisonnier le 23 juin. En 1947, sous le commandement du lieutenant-colonel Gaultier, un autre ancien du 11e REI, le capitaine Gheysens fonda Képi blanc, un organ de presse moderne de la Légion, et devint son premier rédacteur en chef. Le capitaine Gheysens est tué en Indochine en mars 1950.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Pierre Ortiz
Pierre Ortiz. Un Américain ayant servi dans la Légion étrangère au Maroc en 1932-37. En novembre 1939, Pierre Ortiz se réengage à nouveau. Il est affecté au 11e REI, à la section motos. Fait prisonnier en juin 1940, il est rapatrié sanitaire en 1941. Démobilisé, il retourne en Amérique pour s’engager dans les marines (USMC) et puis, dans l’Office of Strategic Services (OSS). Parachuté en France en 1944, il participe aux côtés de la résistance française aux combats de libération. Il prend définitivement sa retraite militaire en 1955 avec le grade de colonel. À la vie civile, Peter Ortiz s’oriente vers le cinéma et apparaît dans un certain nombre de films, notamment avec le John Wayne.
11e REI - 11 REI - 1946 - General Robert - Colonel Clement
Une photo ultra-rare de quelques officiers du 11e REI autour de leur commandant Clément (au milieu, les mains croisées, avec les galons de lt-colonel). La photo était prise probablement après l’armistice, en 1940. En bas, avec les lunettes, on peut reconnaître le lieutenant Gheysens.

 
 
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L’article original: 11th Foreign Infantry Regiment

 

 

Principales sources d’informations et d’images:
Luce Coupin: Vainqueurs quand même (Chez l’Auteur, 1972)
Képi blanc revues
Légion Etrangère revues
11e et 12e REI,13e DBLE, 1939-1940 (Fr)
Fanion Vert et Rouge (Fr)
Mémorial Gen Web (Fr)
Google Maps
Wikipedia.org

 

 

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La page a été mise à jour: 1er novembre 2019

 

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