11e Régiment Etranger d’Infanterie

Le 11e Régiment étranger d’infanterie (11e REI) est une unité provisoire de la Légion étrangère. Créé fin 1939, il a pour mission de défendre la France métropolitaine contre l’Allemagne nazie. Le 11e REI est dissous en juin 1940.

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Introduction

Au début du mois de septembre 1939, Hitler envahit la Pologne. En réponse, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne. Immédiatement après la déclaration de guerre, des milliers de volontaires étrangers se présentent dans les centres de recrutement dans le cadre de la mobilisation générale. Compte tenu de la longue tradition de volontaires étrangers prêts à défendre la France, personne n’est surpris. Au contraire, des ordres sont donnés pour former des unités composées de ces volontaires qui s’engagent pour la durée de la guerre. Pour des raisons administratives, ces unités sont rattachées à la Légion étrangère.

Pour prendre en charge ces engagés volontaires pour la durée de la guerre (EVDG), un dépôt de la Légion est organisé à Sathonay, au nord de Lyon. Le dépôt de Sathonay est chargé de recruter, d’équiper, d’entraîner et d’administrer les futurs soldats qui seront affectés à l’une des unités provisoires. Un centre d’instruction est établi à proximité, au camp de La Valbonne.

 

Création du 11e Régiment étranger d’infanterie

Le 11e Régiment étranger d’infanterie (11e REI) est créé au camp de La Valbonne le 1er novembre 1939. Le régiment comprend un état-major, une compagnie de commandement, une compagnie hors rang, une compagnie régimentaire d’engins (canons anti-chars et mortiers) et trois bataillons. Chaque bataillon est composé de trois compagnies d’infanterie et d’une compagnie d’accompagnement (mitrailleuses). Une section de motocyclistes – composée en majorité d’Anglais et d’Américains, dont le sergent Ortiz – et un détachement médical complètent le régiment. Le colonel Fernand Maire, mobilisé, prend le commandement. C’est une figure célèbre de la Légion où il a servi comme officier entre 1914 et 1936, avant de prendre sa retraite.

Certains pourraient se demander pourquoi le titre du régiment comprend-il un numéro aussi inhabituellement élevé. La réponse est simple. Pour distinguer les unités provisoires des régiments réguliers de la Légion pendant la guerre, le chiffre « 10 » a été ajouté à leur désignation. Le 11e REI a donc été créé en ajoutant « 10 + 1 ». D’autres unités provisoires composées de volontaires étrangers ont également été créées, et le chiffre « 20 » leur a été ajouté cette fois-ci.

En ce qui concerne le personnel, le 11e REI se compose de 79 officiers, 184 sous-officiers et 2.390 légionnaires (soit 2.653 hommes). Il s’agit d’un mélange de différents éléments. On y trouve des officiers et des sous-officiers de réserve, mobilisés, y compris ceux qui ont déjà servi avec la Légion en Afrique. Il y a aussi d’anciens légionnaires mobilisés. D’autres groupes d’officiers, de sous-officiers, de caporaux et d’hommes venaient d’Afrique du Nord, des régiments de la Légion étrangère (dont plusieurs centaines de légionnaires aguerris) et des régiments non-légionnaires. Parmi eux, 63 officiers et sous-officiers français du 1er RTA (tirailleurs algériens). Outre les légionnaires d’active, les anciens légionnaires et les EVDG, les troupes sont composées d’étrangers résidant en France, également mobilisés.

Le régiment est installé dans les villages autour du camp : Dagneux (1er Bataillon), Bressolles (2e Bataillon) et Béligneux (3e Bataillon).

La mobilisation générale en cours en France perturbe la distribution du ravitaillement du régiment. Ainsi, le régiment souffre d’une pénurie de certains équipements. Par exemple, les uniformes ne sont disponibles que dans des tailles irrégulières, les fusils d’instruction sont de vieux fusils de la Première Guerre mondiale, et il n’y a pas de mitrailleuses, de grenades à main ou de munitions à blanc. Cependant, le moral des troupes est resté élevé, elles se sont entraînées et ont développé un esprit de corps jusqu’à la mi-décembre, date de l’envoi tant attendu sur le front.

À cette époque, le régiment manque encore de matériel : il n’a reçu que 400 pansements sur les 3 000 nécessaires, neuf canons de 25 mm sur les 12 nécessaires et 12 marmites norvégiennes (réchauds sans feu) sur les 90 nécessaires. Chaque homme n’a qu’un seul couvre-pieds.

Concernant les armes, les hommes du 11e Etranger sont équipés de mousquetons Lebel 1886-M35, de mousquetons Berthier Mle 92 ou de fusils Berthier 1907-15 M16. Ces derniers sont largement utilisés par l’armée française en 1940 ; le nouveau fusil MAS 36 n’est pas encore disponible en grand nombre.

 

Composition du 11e REI en novembre 1939

  • Commandement : colonel Maire
  • Etat-major : chef de bataillon Robitaille
  • Compagnie de commandement : capitaine Perret
  • Compagnie hors rang : capitaine Chiron
  • Compagnie régimentaire d’engins : capitaine Costa
  • 1er Bataillon : chef de bataillon Auffrey
  • 2e Bataillon : chef de bataillon Brissard
  • 3e Bataillon : chef de bataillon Guyot

 

 
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1939 - Camp de la Valbonne - carte

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1939 - Camp de la Valbonne
Le camp de La Valbonne dans les années 1930.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1939 - Colonel Maire
Le colonel Maire, premier commandant du 11e REI. C’est une figure légendaire de la Légion, où il a servi comme officier de 1914 à 1936.

 

La drôle de guerre

À partir de la déclaration de guerre, début septembre, pratiquement aucune action sérieuse n’a lieu sur le front entre les forces françaises et allemandes. C’est une période calme. La stratégie de la France est strictement défensive et s’appuie sur la célèbre ligne Maginot.

Le 15 décembre, le 11e REI quitte le camp de La Valbonne et est transporté par camion au nord-est de la France, en Lorraine. Les bataillons sont postés au nord-est de Metz, dans le secteur de Thionville, au-delà de la ligne Maginot.

Début janvier 1940, les hommes se rendent sur la ligne de front à Sierck, au nord-est de Thionville, près de la frontière avec le Luxembourg et l’Allemagne. L’hiver est rude et la température descend jusqu’à -20 °C. Les premières pertes du régiment sont dues à des échanges de tirs occasionnels avec l’ennemi ou à des embuscades lors de patrouilles dans le no man’s land.

Début février, le 11e REI quitte Thionville et se dirige vers le sud-est, dans le secteur de Metzervisse. Les hommes sont chargés de creuser des fossés antichars dans le sol gelé.

Le 12 février, douze officiers et une trentaine de sous-officiers sont transférés à La Valbonne pour participer à la constitution d’un nouveau régiment étranger de marche, le 12e REI.

Le 1er mars, le colonel Georges Robert prend le commandement du 11e REI. Commandant le 1er Régiment étranger (1er RE) en 1939, Il a remplacé le colonel Maire, qui a pris définitivement sa retraite bien méritée.

Deux semaines plus tard à Metzervisse, le régiment reçoit la visite du général Rollet, autre membre célèbre de la Légion étrangère et son premier « Père », également en retraite.

Peu après, les légionnaires retournent au-delà de la ligne Maginot. Ils renforcent la ligne défensive pour soutenir les positions avancées françaises.

Le 15 avril, le 11e REI (jusqu’alors unité de secteur) est affecté à la 6e division d’infanterie nord-africaine (6e DINA) sous les ordres du général de Verdilhac. Le régiment remplace la 24e demi-brigade de chasseurs, partie pour la Norvège. Les bataillons de la Légion sont implantés dans la région de Boulay (à l’est de Metz), toujours en Lorraine.

Parallèlement, des groupes francs sont constitués au sein du régiment, à raison d’un groupe par bataillon. Chaque groupe est composé d’un lieutenant et d’une trentaine de volontaires qui effectuent des reconnaissances nocturnes au-delà de la ligne de front afin de révéler la position et la composition des forces ennemies et de capturer des prisonniers.

Près de la commune de Boulay, le 30 avril, le 11e Etranger a commémoré la bataille de Camerone de 1863, la fête la plus importante de la Légion. Au cours de la cérémonie, le régiment a reçu son drapeau. C’est d’ailleurs le seul drapeau remis, pendant la Seconde Guerre mondiale, à une unité provisoire de la Légion composée d’engagés volontaires.
 

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1940 - Colonel Robert - Georges Robert
Le colonel Georges Robert. Le 1er mars 1940, il a remplacé le colonel Maire à la tête du 11e REI.

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Thionville - Sierck - Boulay - Map

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Metzervisse - légionnaires
Légionnaires du 11e REI à Metzervisse le 13 mars 1940.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Metzervisse - General Rollet - Colonel Robert
Le général Rollet, le célèbre « Père de la Légion » (en retraite à cette époque), et le colonel Robert à Metzervisse le 13 mars 1940.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1940 - Diplome - General Rollet
Le 13 mars 1940, le général Rollet est nommé légionnaire de 1ère classe à titre honoraire du 11e REI. Le diplôme a été publié avec l’aimable autorisation de Krzysztof Schramm, historien de l’association des anciens en Pologne (A.A.A.L.E. en Pologne) et auteur du livre Niczego nie żałuję.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Boulay - Camerone
Près de Boulay le 30 avril 1940, les 2.600 hommes du 11e REI commémorent la bataille de Camerone de 1863. Au cours de la cérémonie, le régiment reçoit officiellement son drapeau. Notez les motos et les Chenillettes Renault UE du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Boulay - Drapeau
Drapeau du 11e REI porté par le lieutenant Pierre, le 30 avril 1940. Bien que les sources officielles affirment que la traditionnelle inscription « Camerone 1863 » était inscrite au revers du drapeau, ce n’est pas le cas. Le drapeau ne portait que la devise « Honneur et Fidélité ».
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Boulay - Musique - clique
Clique du 11e REI près de Boulay, le 30 avril 1940.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Journal - Rouge Vert
Journal officiel du 11e REI intitulé Rouge Vert, avril 1940. Collection de Krzysztof Schramm.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1940 - Insigne
Insigne du 11e REI, dessiné fin 1939 et délivré début 1940.

 

Bataille de France

Au début du mois de mai 1940, les combats font rage en Norvège entre les troupes françaises et britanniques d’une part et les forces allemandes d’autre part. Les Alliés (y compris la 13e Demi-brigade de Légion étrangère qui a joué un rôle important dans cette campagne) cherchent à s’emparer du port de Narvik, d’une importance stratégique, où des approvisionnements vitaux en minerai de fer suédois sont acheminés vers l’Allemagne nazie.

Pour renverser l’avancée des Alliés en Norvège et les forcer à retirer leurs troupes, l’Allemagne nazie lance Fall Gelb (cas Jaune), un plan de guerre pour l’invasion du Luxembourg, de la Belgique, des Pays-Bas et de la France. L’invasion a lieu le 10 mai par une offensive sur les trois premiers États (situés entre l’Allemagne et la France). La « drôle de guerre » est terminée. Par la suite, à partir du 12 mai, les forces armées allemandes contournent la ligne Maginot en avançant dans les Ardennes (une grande forêt du sud de la Belgique) et attaquent les lignes de défense françaises le long de la Meuse, dans le nord-est du pays. La bataille de France a commencé.

Le 14 mai, les Allemands franchissent la Meuse. Deux jours plus tard, ils attaquent violemment les positions françaises au sud de Sedan, entre La Ferté et Inor. Celles-ci sont tenues par une autre division nord-africaine, la 3e DINA du général Chapouilly.

Le 20 mai, la 6e DINA (y compris le 11e REI) reçoit l’ordre de marcher vers le secteur d’Inor pour relever la 3e DINA. Cependant, dans le Bois d’Inor, situé à proximité, ils constatent que la division sœur s’est déjà retirée à la hâte de ses positions, qui ont été exposées à un bombardement intense. Il ne reste que des cadavres, des hommes blessés ou perdus, des chevaux morts et des équipements et matériels abandonnés. Il est tôt dans la matinée du 22 mai. La 6e division prend position et attend. Sa mission est de ralentir ou d’arrêter la progression des Allemands. Les bombardements incessants se poursuivent, l’ennemi utilisant de l’artillerie de gros calibre (150 et 210 mm).

Composition du 11e REI en mai 1940 :

  • Commandement : colonel Robert
  • Etat-major : chef de bataillon Robitaille
  • Compagnie de commandement : capitaine Lignez
  • Compagnie hors rang : capitaine Chiron
  • Compagnie régimentaire d’engins : capitaine Costa
  • 1er Bataillon : capitaine Rouillon
  • 2e Bataillon : chef de bataillon Rzekiecki d’Alegron
  • 3e Bataillon : capitaine Gaultier

 
 

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Bois d'Inor - Ferté
Fin mai 1940, les hommes du 11e REI occupent des positions dans le Bois d’Inor et attendent les troupes allemandes qui avancent depuis la Belgique à travers les Ardennes.

 

Bataille du Bois d’Inor

Le 27 mai à trois heures du matin, une impressionnante préparation d’artillerie allemande débute dans le Bois d’Inor et touche les positions de toute la 6e DINA. Deux heures plus tard, les Allemands lancent une attaque frontale. Les légionnaires du 11e REI sont en tête de la division, en première ligne. Ils font ainsi face à cette attaque, mené par trois régiments de la 56e division d’infanterie allemande du général Kriebel. Le choc est rude et les combats acharnés durent près de 12 heures. Néanmoins, le 11e REI remplit sa mission : les légionnaires arrêtent l’ennemi par tous les moyens, y compris les charges à la baïonnette. Des centaines de soldats allemands sont tués ou blessés dans cette bataille héroïque.

Après la bataille, le général de Verdilhac de la 6e DINA exprime son admiration et s’adresse au colonel du 11e REI en trois mots : « Bravo, la Légion ! »

En récompense, le colonel est nommé commandant de l’infanterie de la 6e division. Le chef de bataillon René Clément le remplace à la tête du 11e REI. Ce dernier connaît bien la Légion puisqu’il a commandé le 1er bataillon du 3e REI au Maroc dans les années 1930. Il est d’ailleurs souvent confondu avec un autre Clément du 11e REI, le capitaine qui commandait la CA1 du 1er Bataillon et qui servit ensuite à la 4e DBLE au Sénégal, en AOF.

Début juin, un renfort composé de 98 légionnaires rejoint le régiment. A cette date, le 11e REI compte officiellement 3.085 hommes, avec des pertes de 504 hommes (tués, blessés ou disparus). Le régiment compte donc 2.581 hommes prêts au combat.

 

Repli vers Saint-Germain-sur-Meuse

La 6e division nord-africaine, avec le 11e Etranger, se retrouve isolée du reste des forces françaises. Le 11 juin, elle reçoit l’ordre de se replier vers le sud. Les unités se dirigent vers Verdun, où s’est déroulée – en 1916 – la plus longue bataille de la Première Guerre mondiale. La ville est située à environ 40 km au sud de Stenay, où la 6e DINA a campé après la bataille du Bois d’Inor. La division passe la ville le 13 juin et continue vers le sud. Trois jours plus tard, après une longue et difficile marche d’environ 70 km, la 6e DINA arrive dans la région de Void. Au cours de cette retraite, plusieurs légionnaires sont tués ou gravement blessés à la suite d’attaques allemandes contre la colonne.

Les unités du 11e REI prennent des positions défensives autour de Saint-Germain-sur-Meuse, village situé au sud-est de la ville de Void et à l’ouest de Toul, premier objectif des troupes allemandes. A noter que Toul était l’un des deux principaux centres de recrutement de la Légion étrangère en France (avec Marseille) dans l’entre-deux-guerres.

L’adjudant Romanovitch et sa section sont restés à Void pour assurer la retraite de la garnison française. Ils font ensuite sauter le pont qui enjambe le canal de la Marne au Rhin.
 

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - André Colen - photo
Légionnaire André Colen. Né en Belgique en septembre 1920, il a rejoint la Légion fin 1939. Il est l’un des hommes du 11e REI tués dans le Bois d’Inor en mai 1940. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Andrew J. Mitchell, collectionneur passionné d’insignes de la Légion étrangère et auteur de plusieurs ouvrages, dont : Foreign Legion Insignia – 2e REP.

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Stenay - Verdun - Void - Saint-Germain-sur-Meuse - Toul - carte

 

Bataille de Void

Dans la soirée du lendemain, 17 juin, l’ordre est donné de retourner à Void pour ralentir l’avancée allemande. Le chef de bataillon Rzekiecki d’Alegron se porte volontaire. Ce noble polonais, qui compte plus de 26 ans de service dans la Légion, part avec son 2e Bataillon à deux heures du matin pour un baroud d’honneur.

Deux heures plus tard, le bataillon entre en contact avec l’ennemi. Une bataille acharnée de deux heures s’engage. Rzekiecki d’Alegron tombe peu après, touché par plusieurs balles. Il meurt aux côtés de l’avant-garde de son bataillon.

Bien que les légionnaires se soient battus avec courage et ténacité, ils sont détruits par l’artillerie moderne et les mitrailleuses impitoyables des Allemands. À six heures du matin, il ne reste du 2e Bataillon qu’un groupe de combat (15 hommes) de la 5e compagnie, une section de la 6e compagnie, la 7e compagnie et la compagnie d’accompagnement conservant encore la moitié de leurs effectifs. Le bataillon décimé reçoit l’ordre de rentrer à Saint-Germain-sur-Meuse.
 

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - chef de bataillon d’Alegron - Henryk Rzekiecki d’Alegron
Henryk Rzekiecki d’Alegron, commandant le 2e Bataillon du 11e REI en 1940. Né en 1893 à Starkowo (alors partie de l’Empire russe) dans une famille de la noblesse polonaise, il s’engage comme simple légionnaire en 1913. Il fut tué près de Void le 18 juin 1940, à la tête de son bataillon.

 

Bataille de Saint-Germain-sur-Meuse

Le matin même du 18 juin, le général de la division ordonne au 11e REI de tenir coûte que coûte ses positions à Saint-Germain-sur-Meuse et, s’il le faut, de se battre jusqu’au dernier homme. Les légionnaires sont déjà épuisés par les combats dans le Bois d’Inor et la retraite accélérée qui s’en est suivie. De plus, ils n’ont pas mangé correctement depuis une semaine à cause de la rupture des chaînes d’approvisionnement et leurs munitions sont presque vides. Cependant, ils sont déterminés à accomplir leur mission.

Le régiment est chargé de défendre deux ponts importants sur la Meuse à Saint-Germain-sur-Meuse (en fait, un pont et un viaduc ferroviaire). Ils sont défendus par le 1er Bataillon et les restes du 2e Bataillon. Le 3e Bataillon est en réserve à Ugny-sur-Meuse, derrière la rivière.

Le commandant Clément et l’état-major de son régiment s’installent dans une cave de la poste de Saint-Germain-sur-Meuse, tandis que la base arrière du 11e REI campe dans un bois à l’est du village. Là, une colline les protège de l’ennemi.

L’assaut allemand commence à dix heures du matin par des tirs d’obus et de mitrailleuses. Les tirs d’obus sont violents et précis ; le nombre de blessés augmente rapidement. Il est clair que les Allemands veulent traverser la rivière le plus rapidement possible.

La situation du 11e Etranger devient intenable. Cependant, le nouvel ordre du commandement de la 6e DINA est de tenir coûte que coûte jusqu’à 22 heures, c’est-à-dire jusqu’au nouveau repli.

A deux heures de l’après-midi, l’ennemi s’est avancé jusqu’à la berge. Saint-Germain-sur-Meuse est sous le feu de l’artillerie. Vers 16 heures, le nombre des blessés du régiment dépasse 250. Dans la soirée, il s’élève à plus de 370. Des dizaines d’hommes ont été tués.

 

Ordre de brûler le drapeau

Vers six heures du soir, le commandant Clément donne l’ordre de brûler le drapeau du régiment malgré la réaction violente de ses officiers au quartier général. Le commandant craint que l’ennemi ne s’en empare. Le lieutenant Virenque, officier de renseignement, a la triste tâche d’exécuter cet ordre. C’est un événement extraordinaire dans l’histoire de la Légion. Au moins le lieutenant a-t-il sauvé la cravate du drapeau.
 

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Saint-Germain-sur-Meuse - positions
Le 18 juin 1940, le 11e REI défende les deux ponts de Saint-Germain-sur-Meuse (1, 2). Le commandant (C) s’installe avec le PC dans le bureau de poste local. La base arrière du régiment (3) reste dans un bois près d’une colline à l’est du village. Le 3e Bataillon est en réserve à Ugny-sur-Meuse.

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - Saint-Germain-sur-Meuse - Pont
Le pont à l’ouest de Saint-Germain-sur-Meuse. Le 18 juin 1940, il est défendu par les légionnaires du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - Saint-Germain-sur-Meuse - La Poste
La poste de Saint-Germain-sur-Meuse. Le 18 juin 1940, le commandant Clément et l’état-major du régiment s’y installent.

 

Le repli vers Blénod et l’armistice

A dix heures du soir, l’état-major du régiment, y compris le commandant, est évacué. Pendant ce temps, l’ennemi interrompt son feu meurtrier. Après minuit, le 19 juin, le 11e REI commence à se battre en retraite. Il se dirige vers Blénod-lès-Toul, à une quinzaine de kilomètres au sud-est.

Les 21 et 22 juin, le régiment se déplace encore de quelques kilomètres vers le sud-est jusqu’à Crézilles dans le secteur d’Ochey. La cravate à franges d’or du drapeau brûlé et le fanion du 1er Bataillon sont rangés dans une boîte métallique et cachés sous le porche de l’église Saint-Gengoult de Crézilles.

La 6e DINA reste une unité caractérisée par son désir de combattre malgré le manque pressant de vivres et de munitions et l’absence de soutien de l’artillerie. Néanmoins, la situation sur le champ de bataille est intenable pour les défenseurs, systématiquement bousculés par l’ennemi qui progresse rapidement. Une semaine plus tôt, le 14 juin, les troupes allemandes ont défilé dans les rues de Paris. L’inévitable arrive. Le 22 juin, l’armistice est signé entre le gouvernement français et le Troisième Reich d’Hitler. La bataille de France est finie. Une ligne de démarcation divise le pays en deux parties : la zone occupée par l’armée allemande et la « zone libre » administrée par un nouveau gouvernement français transféré de Paris occupée à la ville de Vichy.

 
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Stenay - Verdun - Void - Saint-Germain-sur-Meuse - Blénod - Crézilles - Ochey - Map

 

Officiers du 11e REI tués en 1940

Chef de bataillon Henryk (Henri) Rzekiecki d’Alegron
– commandant le 2e Bataillon du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Capitaine Jules Emanuelli
– commandant la 3e Compagnie du 11e REI
– tué le 27 mai 1940

Capitaine Louis Lanchon (né Lefebvre)
– commandant la 5e Compagnie du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Capitaine Jean Magne
– commandant la 6e Compagnie du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Capitaine Albéric Urvoy de Closmadeuc
– commandant la Compagnie d’accompagnement N°2 (CA2) du 11e REI
– tué le 27 mai 1940

Capitaine-abbé Jean Wattel
– l’aumônier divisionnaire au 11e REI
– tué le 27 mai 1940

Lieutenant Jacques de Rousiers
– l’officier de transmissions du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Lieutenant Jean Hafenscher
– chef de section à la 6e Compagnie du 11e REI
– gravement blessé le 13 mai, mort le 20 mai 1940

Lieutenant André Jabouille
– chef de section à la CA2 du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

Lieutenant Marc Jurion
– chef de section à la 1re Compagnie du 11e REI
– chef de groupe franc
– tué le 13 mai 1940

Lieutenant Benoît Seillon
– commandant la 2e Compagnie du 11e REI
– l’ex-officier de dépannage à la Compagnie Hors-Rang
– disparu le 22 mai 1940

Lieutenant Roger Viel
– chef de section à la CA2 du 11e REI
– tué le 18 juin 1940

 
 

Après l’armistice

Le 23 juin, le 11e REI cesse d’exister. Les blessés et les épuisés du régiment sont faits prisonniers avec le reste de la division que l’ennemi a encerclé dans les secteurs de Crézilles et d’Ochey. Ils reçoivent l’ordre de marcher à Verdun, où les Allemands ont établi un camp de prisonniers de guerre, le « Frontstalag 240 ».

Entre-temps, 578 officiers, sous-officiers et légionnaires du 11e Régiment étranger d’infanterie échappent à la captivité. Ils franchissent la ligne de démarcation et se réfugient en zone libre. Arrivés à Aix-en-Provence (à environ 30 km au nord de Marseille) dans le sud de la France, ils rejoignent le dépôt de la Légion qui y a été transféré depuis les camps situés près de Lyon. Par la suite, l’ensemble du groupement s’est déplacé à environ 15 km plus au sud-est, dans une petite ville appelée Fuveau.

Le 14 juillet, jour de la fête nationale française, les légionnaires défilent devant le public de Fuveau.

À la fin du mois de juillet, la décision a été prise d’employer ces hommes de manière significative. C’est ainsi qu’est né le projet de la « Route de la Légion ». Cette route devait avoir une longueur de plusieurs centaines de mètres. Elle passe près de l’ermitage Saint-Jean du Puy, dans le secteur de Trets, à 10 km au nord-est d’Aubagne, actuelle maison-mère de la Légion. La « Route de la Légion » est achevée en août.

Également en août 1940, les survivants du 12e REI (autre régiment de marche de la Légion) arrivent à Fuveau. Par la suite, tous les légionnaires d’active – rescapés des deux régiments dissous – sont renvoyés en Afrique du Nord.

Le dépôt de la Légion à Fuveau est dissous le 22 août. Les EVDG des deux régiments et du dépôt sont ensuite répartis en quatre unités de travail ; la plupart de ces hommes sont démobilisés au début de l’année 1941.

 
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - France - 1940 - Aubagne - Fuveau - Trets - Saint Jean du Puy - Map

11e REI - 11 REI - 1940 - Route de la Légion - Borne
Borne d’origine de la « Route de la Légion », construite par les survivants du 11e REI en août 1940, non loin de l’Ermitage Saint-Jean du Puy.

 

Conclusion

Les volontaires étrangers du 11e régiment étranger d’infanterie, mal équipés, se battent enfin courageusement comme des soldats aguerris. Avec les légionnaires d’active et les réservistes, ils forment une unité cohérente qui a dû faire face à l’armée moderne et supérieure de l’Allemagne nazie, soutenue par l’artillerie lourde et l’aviation. Cependant, les hommes du 11e REI ne se sont jamais laissés effrayer par l’ennemi.

Les quatre cinquièmes des hommes du régiment ont été tués, blessés ou portés disparus. Parmi eux, un chef de bataillon et cinq commandants de compagnie ont été tués au combat.

L’année suivante, au début du mois de septembre 1941, le 11e REI obtient une citation à l’ordre de l’armée et reçoit la Croix de guerre de 1939-45.

A la fin du même mois, le cravate du drapeau du 11e REI et le fanion du 1er Bataillon sont retrouvés dans leur cachette à Crézilles. Ils ont été récupérés par une infirmière, Mlle Meiffredy, grâce aux informations détaillées du commandant Robitaille. Ce dernier est arrivé en France en provenance de Syrie, où il a combattu avec le 6e REI contre une invasion britannique. En 1940, il fut chef de l’état-major du 11e REI.

Les deux emblèmes ont été emportés en Algérie, en Afrique du Nord, et déposés dans la salle d’honneur de la Légion à Sidi Bel Abbès, maison-mère de la Légion jusqu’en 1962.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, une Amicale des anciens du 11e REI est créée en France en mars 1946. Elle est présidée par M. Rouillon, ancien commandant du 1er Bataillon du régiment.

A Sidi Bel Abbès, fin avril 1946, les deux anciens commandants du régiment – le général Robert et le lieutenant-colonel Clément – se rencontrent lors des festivités de Camerone, en présence de la cravate du drapeau du 11e REI. Au cours de cette cérémonie, une délégation des anciens combattants belges du 11e REI a remis les fanions du 3e Bataillon et de la 1re compagnie d’accompagnement à la salle d’honneur de la Légion.

En mai 2000, une stèle a été inaugurée dans le Bois d’Inor pour commémorer la bataille héroïque du 11e REI qui s’y est déroulée en mai 1940.

Dans les années 2000, un monument aux morts dédié aux hommes du 11e REI et du 12e REI a été construit près de la « Route de la Légion », au sud de Trets. Chaque année, début novembre, une cérémonie y est organisée pour rendre hommage aux hommes de ces deux régiments qui ont combattu courageusement en France en 1940.

En 2018, le Groupement de recrutement de la Légion étrangère (GRLE) a reçu un nouveau drapeau du 11e REI à garder. Également, le GRLE a été chargé de maintenir les traditions de l’ancien régiment.
 

11e REI - 11 REI - L'église Saint-Gengoult de Crézilles
L’église Saint-Gengoult à Crézilles. Le 21 ou 22 juin 1940, la cravate du drapeau brûlé du 11e REI et le fanion du 1er Bataillon sont cachés sous le porche de l’église. Les deux emblèmes sont récupérés fin septembre 1941 et transportés à Sidi Bel Abbès en Algérie.

11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Cravate du drapeau
Cravate du drapeau du 11e REI en 1942 et dans les années 1980. La cravate est décorée de la croix de guerre 1939-45.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Fanion - Etat-major
Fanion de l’état-major du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Fanion - 1er Bataillon
Fanion du 1er Bataillon du 11e REI en 1942 et dans les années 1980. Notez qu’en 1942, le fanion portait encore une petite cravate bleue (vue au-dessus du fanion).
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Fanion - 3e Bataillon
Fanion du 3e Bataillon du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Fanion - Compagnie d'accompagnement - CA1
Fanion de la Compagnie d’accompagnement N°1 (CA1) du 11e REI. Elle fut commandée par le capitaine Clément qui est souvent confondu avec le commandant Clément, dernier chef de corps du 11e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1946 - General Robert - Colonel Clement
Le général Robert (à gauche) et le lieutenant-colonel Clément (au centre). Les deux anciens commandants du 11e REI se sont rencontrés à Sidi Bel Abbés lors de la fête de Camerone de 1946. Le lieutenant-colonel Clément est devenu commandeur de la Légion d’honneur.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Fanion - 3e Bataillon
Stèle inaugurée dans le Bois d’Inor en mai 2000, pour commémorer la bataille héroïque du 11e REI qui s’y est déroulée le 27 mai 1940.
11e REI - 11 REI - Monument aux morts - Legion etrangere - Trets
Monument aux morts au sud de Trets. Il est dédié aux légionnaires du 11e REI et 12e REI. La borne de la « Route de la Légion » a été rénovée, colorée et déplacée à cet endroit.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Louis-Antoine Gaultier
Louis-Antoine Gaultier, autre officier légendaire de la Légion, où il servit de 1922 à 1950. En 1940, Gaultier commande le 3e Bataillon du 11e REI. Auparavant, il avait commandé la compagnie automobile du 4e REI au Maroc. En 1944, il prend la tête du célèbre RMLE en France. De 1946 à 1950, il commande le DCRE et le 1er REI en Algérie.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Maurice Brochet de Vaugrigneuse
Maurice Brochet de Vaugrigneuse. Commandant en second du 2e Bataillon du 11e REI, il est blessé au Bois d’Inor le 27 mai. Officier méconnu de la Légion, où il sert de 1933 à 1950 puis à partir de 1956, il est tué en Algérie en 1957 à la tête du 3e REI.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Frédéric Gheysens
Frédéric Gheysens. Chef de section au 1er Bataillon du 11e REI, il fait partie des derniers éléments à quitter Saint-Germain-sur-Meuse. Il est emprisonné par les Allemands le 23 juin. En 1947, sous le commandement du lieutenant-colonel Gaultier, un autre ancien du 11e REI, le capitaine Gheysens fonde la revue officielle et moderne de la Légion, Képi blanc, et en devient son premier rédacteur en chef. Il est tué en Indochine en mars 1950.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - Pierre Ortiz
Pierre Ortiz (également connu sous le nom de Peter J. Ortiz), un Américain qui a servi avec la Légion au Maroc de 1932 à 1937. En novembre 1939, Ortiz quitte à nouveau les États-Unis pour la France et rejoint la Légion. Il est affecté à la section motocycliste du 11e REI. Prisonnier en juin 1940, il revient de captivité en 1941. Démobilisé, il retourne aux États-Unis pour rejoindre l’USMC et, plus tard, l’Office of Strategic Services (OSS, future CIA). Il a sauté sur la France en 1944 et a participé à sa libération. Ortiz a pris sa retraite en 1955 avec le grade de colonel. Par la suite, il se tourne vers le show-business et apparaît dans plusieurs films, notamment avec John Wayne. Pour mémoire, son père a fondé l’Association des amis de la Légion étrangère à Paris dans les années 1930. Cette organisation influente assure la promotion de la Légion à l’étranger, principalement aux États-Unis.
11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1940 - officiers - Commandant Clément
Rare photo montrant des officiers du 11e REI entourant leur commandant, le chef de bataillon Clément (au centre, les mains croisées). La photo a été prise probablement après l’Armistice, en 1940. En bas, avec des lunettes, le lieutenant Gheysens.
Wladislas Cieslak - certificat - 11e REI - 11 REI - Legion Etrangere - 1942
Certificat pour un légionnaire du 11e REI, Wladislas Cieslak, délivré en 1942. Ce dernier est devenu l’un des premiers légionnaires-parachutistes pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce document rare a été publié avec l’aimable autorisation de son petit-fils, le Dr David Bruce.

 
 
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L’article original : 11th Foreign Infantry Regiment

 
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Pour en savoir plus sur le personnel du 11e REI, voici le site web magnifique de Mme Zigrand : 11è Régiment Etranger d’Infanterie 1939-1940

 
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Principales sources d’informations :
Luce Coupin: Vainqueurs quand même (Chez l’Auteur, 1972)
Képi blanc revues
Légion Etrangère revues
Vert et Rouge revues
11e et 12e REI,13e DBLE, 1939-1940 (Fr)
Fanion Vert et Rouge (Fr)
Mémorial Gen Web (Fr)
Google Maps
Wikipedia.org

 
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4e Régiment Etranger d’Infanterie
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La page a été mise à jour le : 10 février 2025

 

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