Introduction
Madagascar, la Grande Île, parfois appelée aussi « l’île Rouge » (en référence à la latérite qui colore ses plateaux), est la cinquième plus grande île du monde. Située dans l’océan Indien, l’île est géographiquement rattachée au continent africain, dont elle est séparée à l’ouest par le canal du Mozambique. Ses habitants sont les Malgaches, divisés en deux sous-groupes : les habitants des « hauts plateaux » du centre de Madagascar qui descendent de migrants austronésiens parlant une langue malayo-polynésienne ; et les habitants des côtes (les « côtiers ») qui descendent de migrants est-Africains.
Dans les années 1810, des différents royaumes malgaches furent définitivement unifiés sous l’autorité de l’élite des Hauts-Plateaux et l’île devint le Royaume de Madagascar.
La première tentative française d’établir une colonie à Madagascar fut au XVIIe siècle (Colonie de Fort-Dauphin, 1643-74). Des autres tentatives furent un siècle plus tard, dans les années 1770. Pendant le XIXe siècle, l’influence française dans l’île se renforça. Elle conduisit à l’intervention française en 1881-82 et à la guerre franco-malgache en 1883-85. Un traité fut signé. En 1895, une seconde expédition française arriva à Madagascar, cette fois même avec un bataillon de la Légion étrangère. Le Royaume fut aboli. Madagascar était annexé et devint, en 1896, une colonie française. La pacification de l’île commença. Elle continua jusqu’en 1905, alors déjà avec deux bataillons de légionnaires stationnés sur l’île. Une période d’une prospérité relative de presque quarante ans suivit, et le pays s’enrichit.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la situation se changea. La France était vaincue par l’Allemagne et partiellement occupée. Les colonies, y compris la Grande Île, furent placées sous l’autorité du gouvernement français de Vichy (en collaboration avec les Allemands).
En mai 1942, Madagascar vécut une invasion britannique. Connue comme la Bataille de Madagascar (ou l’opération Ironclad), cette invasion était considérée comme une agression de la Grande-Bretagne contre un territoire français, tant par la France de Vichy que par la résistance extérieure (la France libre du Général de Gaulle). Néanmoins, l’occupation de Madagascar ne fut achevée qu’en novembre 1942, grâce au débarquement des Alliés en Afrique française du Nord.
En 1943, « l’île Rouge » se retrouva entre les mains des Français. Mais la réputation de la France avait déjà été minée aux yeux des Malgaches. C’est donc pourquoi leurs sentiments nationalistes et le désir d’émancipation émergeaient après la Seconde Guerre mondiale, comme dans les autres colonies françaises à l’époque (surtout en Indochine). La paix à Madagascar se trouva en danger.
Situation politique à Madagascar en 1946-47
En 1946, deux mouvements malgaches importants sont créés pour représenter la Grande Île dans l’Union française (un nouveau nom pour l’ex-empire colonial). Le premier d’eux est le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) de Joseph Raseta, un militant anti-colonial d’avant-guerre, élu à l’Assemblée constituante en France en novembre 1945. Le mouvement a pour son but l’autonomie de Madagascar. Il est dirigé par les Mérinas, un peuple d’origine indonésienne occupant les Hauts-Plateaux qui est allié aux souverains de l’ancien Royaume de Madagascar. Le MDRM devient rapidement le principal mouvement politique des Malgaches.
Le deuxième mouvement créé en 1946 est le Parti des déshérités de Madagascar (PADESM) de Philibert Tsiranana. Ce mouvement des Malgaches francophiles, encouragé par le gouvernement colonial, est composé essentiellement des « côtiers » , originaires du littoral. Ils s’opposent à l’indépendance puisqu’ils appréhendent un éventuel retour de la domination des Mérinas.
Lors des élections de novembre 1946, trois membres du MDRM sont élus députés à l’Assemblée nationale à Paris. C’est une victoire significative pour les indépendantistes.
En janvier et février 1947, les premières élections provinciales à Madagascar ont lieu. Durant ces élections, les militants du MDRM et ses sympathisants provoquent des incidents plus ou moins violents. Avec la politique pro-coloniale du PADESM, ces aspects suscitent une dure rivalité entre les deux mouvements. Les incidents se multiplient et la situation devient explosive. L’éventualité d’un soulèvement apparaît de plus en plus. À partir de mars 1947, les renseignements militaires confirment que l’insurrection dont tous les militants malgaches parlent commencera à la fin du mois.
En même temps, des sociétés secrètes nationalistes sont en pleine activité dans la Grande Île, en collaboration avec le MDRM, dont certains dirigeants du Mouvement avaient été leurs membres pendant la guerre. Ce sont en particulier des sociétés « PANAMA » (Patriotes Nationalistes, créée en 1941) et « JINA » (Jeunesse nationaliste, créée en 1943) d’un certain Monja Jaona. Cette dernière société est responsable de l’insurrection attendue qui bientôt éclatera dans ce climat violent.
Situation militaire à Madagascar au début de 1947
En mars 1947, la France ne possède pas une seule unité européenne dans « l’île Rouge ». Ils s’y trouvent deux régiments mixtes de Madagascar de trois bataillons chacun (soit 1 500 – 2 000 hommes). Ils sont composés de troupes malgaches, sénégalaises (de l’Afrique de l’Ouest) et comoriennes (de l’archipel des Comores situé au nord-ouest de l’île). Le 1er RMM est basé dans la région de Tananarive (la capitale), le 2e RMM tout au nord de l’île, à Diego Suarez, l’objectif du débarquement britannique en 1942.
Dans la région de Tananarive, il y a encore le Détachement motorisé autonome (DMA) du Lt-colonel Farret, l’unité interarmes comprenant un bataillon d’infanterie porté (BI/DMA) de trois compagnies sénégalaises, un escadron de reconnaissance avec trois pelotons d’auto-mitrailleuses, une batterie d’artillerie portée, une compagnie du génie et une compagnie de transport (soit 1 000 – 1 500 hommes).
On y trouve aussi deux groupes d’artillerie coloniale, ceux de Diego Suarez et d’Emyrne (l’Imerina, le pays des Mérinas), et un Bataillon de tirailleurs malgache (BMT, créé en 1946), ce dernier avec une fidélité exemplaire.
En dehors de ces unités, le maintien de l’ordre dans la Grande Île est assuré par des miliciens de la Garde Indigène de Madagascar et dépendances (les Malgaches et les Comoriens, soit 2 000 – 3 000 hommes) et par la police qui est composée, outre les Malgaches, de Comoriens et de Sénégalais.
Toutes ces unités sont commandées par des officiers français ; elles comprennent aussi un certain nombre de sous-officiers et de caporaux français.
Les débuts de l’insurrection à Madagascar en 1947
L’insurrection à Madagascar éclate dans la nuit du 29 mars 1947, dans l’Est de l’île : à Moramanga, Manakara (fief de JINA), Sahanisaka, à Ambatofotsy et Fort-Carnot, et enfin à Vohipeno et dans la région de Nosy-Varika. Dans un premier temps, l’insurrection est surtout caractérisée par des massacres de colons français et de Malgaches francophiles, brûlés vifs dans leur maison ou tués à l’arme blanche.
Mais l’attaque la plus surprenante se déroule à Moramanga, la garnison d’unités du 1er RMM et du DAM, assaillie par environ 2 000 agresseurs. Dans le Camp Tristani, quatre officiers et dizaines de soldats sont tués (le Commandant Perrier, le Capitaine Weibel et le Sous-lieutenant Brie du 1 RMM + le Lieutenant Hervé de la Cie de transport du DAM). Heureusement, les agresseurs ne sont pas capables d’ouvrir les stocks d’armes et de munitions ; ils doivent s’effacer sans résultat.
Malgré cet échec stratégique, l’insurrection s’agrandit successivement. En trois mois, elle atteint la majorité de la partie orientale de la Grande Île (bastion du MDRM), jusqu’à Tananarive. La France, déjà en guerre avec le Viet Minh en Indochine depuis décembre 1946, doit réagir rapidement.
En avril, une compagnie parachutiste (la 6e Cie du Capitaine Geraud du 2e Bataillon Parachutiste de Choc, soit 128 hommes) et une compagnie de tirailleurs sénégalais arrivent à Madagascar, suivies en mai et juin par deux bataillons de tirailleurs sénégalais de renfort (BTSR). Un bataillon de la Légion étrangère (en juin), deux bataillons de tirailleurs algériens (du 7e + 9e RTA, en juillet) et trois bataillons de tirailleurs marocains (du 1er + 5e + 2e RTM, en juillet et septembre) les complètent. Un escadron de jeeps blindées et un bataillon de génie sont aussi constitués sur l’île, en juillet et en septembre.
Tout ça nous donne à peu près 15 000 troupes françaises à Madagascar en 1947, pour réprimer la révolte. D’abord sous les ordres du Général Pellet, commandant en chef, qui sera remplacé fin 1947 par le Général Garbay.
La Légion et l’insurrection à Madagascar en 1947-1949
En 1947, la Légion étrangère a été bien placée en Algérie de l’Afrique du Nord, depuis plus d’un siècle. Ses bataillons sont répartis en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine.
L’un d’eux, le 2e Bataillon de la 4e Demi-brigade de Légion étrangère du Maroc (4e DBLEM, créée en 1946), est désigné en mai 1947 pour aller renforcer les troupes à Madagascar en tant que « bataillon de marche », c’est-à-dire unité spécialement constituée pour une mission particulière.
Sous les ordres du Commandant Pierre Périn (l’ex-capitaine adjudant-major au 1er Bataillon du RMLE en France en 1944-45), le bataillon est composé d’une compagnie de commandement et de base, et de trois compagnies de fusiliers voltigeurs (4e + 5e + 6e), soit 20 officiers, 61 sous-officiers et 456 hommes. Le 2 juin, le 2e Bataillon quitte le Maroc pour s’être embarqué à Oran sur le « SS Nantes ». Le 28 juin 1947, les légionnaires débarquent à Tamatave, une grande ville de l’Est de « l’île Rouge » et son port le plus important. Quarante-deux ans après le dernier légionnaire a quitté ce pays.
Dès le 30 juin, les légionnaires entrent en action et parcourent la zone forestière de Tamatave. Ils sont équipés surtout avec les fusils MAS 36. De plus, chaque section dispose en général de trois fusils-mitrailleurs MAC 24/29 (un par groupe de 10 – 15 hommes), de trois mortiers Brandt Mle 35 de 60 mm, de quelques vieux fusils Lebel Mle 1886-M93, utilisés avec les grenades à fusil Viven-Bessières, et de fusils de précision Mauser 98K. Quant aux chefs de groupe, ils sont dotés d’un pistolet-mitrailleur MAS 38.
En ce qui concerne les Fahavalos (les rebelles – prononcé simplement Favals), ils sont équipés principalement avec une sagaie ou une antsy (coupe-coupe). Sur plusieurs milliers de guerriers (10 000 – 13 000, on ne connaît pas le chiffre précis), il n’y a que deux cents de fusils ou mousquetons, et quelques fusils-mitrailleurs. Dans la majorité des cas, l’adversaire est représenté par des groupes de 5 – 300 hommes mal dressés, stimulés par toaka (rhum de riz), et fanatisés soit par la propagande militante anti-coloniale, soit par ses chefs de clan et magiciens. Également comme cinquante ans auparavant.
Leur avantage sont la forêt vierge tropicale et la brousse mal accessible, puisque le réseau de transport à Madagascar est toujours considérablement insuffisant à l’époque. De plus, les rebelles ont détruit des dizaines de ponts et coupent systématiquement les lignes de communication essentielles, y compris les deux voies ferrées.
Au contraire, l’avantage fondamental du côté du commandement français est la position géographique de Madagascar. À la différence de la situation en Indochine, c’est une île isolée sans aucune possibilité d’approvisionnement vital des rebelles, tant en armement qu’en troupe, à travers les frontières terrestres.
La stratégie des Fahavalos est donc d’occuper les villages dans la brousse et de les obliger, par la propagande ou par la force, à ravitailler les rebelles. Par contre, la stratégie du commandement français est de montrer la présence de ses troupes, pour rétablir l’ordre et la confiance à la France parmi les chefs de village et ses habitants. De cette manière, on peut isoler les rebelles, et les forcer à se rendre ou les éliminer.
C’est pourquoi on crée des petits postes occupés habituellement par une section chacun pour effectuer régulièrement des « colonnes » de reconnaissance et de pacification dans son sous-secteur proposé. De temps en temps, les postes où des colonnes sont attaquées sérieusement, même avec un combat au corps-à-corps. Mais assez souvent, l’ennemi s’enfuit après l’ouverture du feu par les légionnaires.
Dans deux semaines, tout danger important est écarté dans la région de Tamatave, malgré la perte du Lieutenant Henri Gresle-Bouignol, mort au combat le 6 juillet. Il est le premier membre de la Légion tué dans « l’île Rouge » depuis un demi-siècle.
Ensuite, les légionnaires sont transférés plus au sud, sur les Hauts-Plateaux, dans la région forestière de Fianarantsoa, où personne n’avait pu se rendre depuis le début de la révolte. C’est la région des Tanalas, un peuple peut-être encore plus fier que les Mérinas. Pendant les mois suivants, au prix de fatigues incroyables dans la forêt dense, en dépit de la saison des pluies (décembre-avril) et de nombreuses embuscades avec les guerriers irréductibles, le bataillon de Légion s’acharne sur les bandes de Fahavalos locales et les amène à se soumettre.
Entre-temps, une réorganisation de la 4e DBLEM a lieu au Maroc. Alors, le 1er octobre 1947, le 2e Bataillon à Madagascar devient le Bataillon de Marche de cette demi-brigade. Son PC provisoire s’installera à Ambositra. C’est une ville située 100 km au nord de Fianarantsoa, où continuent toujours les opérations militaires.
En janvier 1948, un renfort important part du Maroc pour renforcer le bataillon de Légion à Madagascar. Les unités du bataillon seront complétées et de plus, une 7e Compagnie sera créée. L’effectif est monté alors à 755 hommes.
La même année, trois bataillons de tirailleurs sénégalais et un bataillon mixte complétent les troupes françaises dans l’île.
Début juillet, le PC du bataillon s’établit à Fianarantsoa, au Camp de Mandalahy. Tous les secteurs attribués aux légionnaires ont été remis en ordre. Les Fahavalos sont revenus à leurs villages et la vie reprend son cours normal. Mais la pacification continue, avec des tournées de police et la construction de routes.
De l’insurrection de 1947, il ne reste que de quelques groupes rebelles en septembre 1948, isolés dans son refuge forestier et commandés par trois chefs de guerre autonomes. Le plus remarquable d’eux, Philippe Lehoaha (appelé « ministre de la guerre »), l’ancien caporal de l’Armée française, est capturé le 10 novembre. Son groupe ne compte qu’une quarantaine d’ex-tirailleurs malgaches disposant de deux F.M. et de quelques fusils de la guerre 14/18. À l’époque, c’est pourtant le groupe le plus armé.
Le 1er février 1949, un autre chef rebelle important, Joseph Ralaivalo (appelé le « maréchal »), est capturé dans le même secteur de la Légion que Lehoaha, situé à l’est de Fianarantsoa et d’Ambositra. Enfin, les derniers rebelles cachés dans la forêt (des petites bandes de certains Etienne et Bernard) se rendent le 7 avril 1949. L’insurrection à Madagascar se termine définitivement. Le nombre final des soumissions, y compris les villageois sous les ordres des rebelles, est d’environ 560 000.
En deux ans, selon les statistiques officielles de l’administration française de 1950, les événements dans « l’île Rouge » entre 1947 et 1949 ont fait 11 342 victimes, dont quelque 1 900 Malgaches du côté français (les « partisans » servant la France comme supplétifs, les employés dans l’administration coloniale, les membres du PADESM) et 550 citoyens français, les soldats inclus.
Le MDRM a été interdit en mai 1947 et ses responsables condamnés à la prison à vie (ils seront amnistiés dix ans plus tard, en 1958). En 1949, l’ordre et la paix règnent de nouveau à Madagascar.
Unités de la Légion à Madagascar en 1949-1951
Le 1er mai 1949, suivant une autre réorganisation de la 4e DBLE au Maroc, le Bataillon de Marche à Madagascar devient le 4e Bataillon du 4e Régiment Etranger d’Infanterie (4e REI). Pendant l’été de 1949, après deux ans de séjour, les légionnaires du bataillon Périn quittent la Grande Île pour se retourner en Afrique du Nord. Ils sont relevés par un nouveau renfort qui arme les cinq compagnies du 4e Bataillon (CCB + 4e + 5e + 6e + 7e Cie). Maintenant sous les ordres du Chef de bataillon Roger Brinon, un ancien capitaine de la 4e DBLE au Sénégal en 1941-43 et du RMLE en France en 1944-45. Il commandera le 1er Bataillon de la 13e DBLE en Indochine et sera blessé à Dien Bien Phu en 1954.
De plus, le 4e Bataillon est renforcé à Madagascar par deux autres unités de Légion. Le premier est le 4e Escadron du 2e REC (2e Régiment Etranger de Cavalerie). Cet escadron est créé le 1er juin 1949 à Sidi Bel Abbès (alors la maison-mère de la Légion en Algérie, jusqu’en 1962). Sous les ordres du Capitaine Raymond Calmels, l’escadron part d’Oran le 24 juillet et débarque sur « l’île Rouge » le 27 août, à Tamatave.
Le 4e Escadron du 2e REC reste l’une des deux seules unités de la Légion dotées de Jeeps blindées (la deuxième unité sera un peloton du 9e Escadron du 1er REC au Laos en 1953). La Jeep blindée se distingue par une plaque de blindage verticale devant le conducteur (jusqu’à la hauteur des yeux) qui remplace le pare-brise en verre. Devant le chef de bord, il y a un bouclier monté sur pivot avec une mitrailleuse (MAC 31 Reibel ??).
La dernière unité pour renforcer les légionnaires à Madagascar est la 1re Compagnie de Génie de Légion étrangère (CGLE). C’est une unité mal connue, couverte de mystère. Cette compagnie (dont on ne connaît ni le commandant d’unité, ni le nombre d’effectifs) est créée vraisemblablement au début d’octobre, au sein du 1er REI, et débarque sur la Grande Île le 17 novembre.
Ces deux unités sont rattachées administrativement au 4e Bataillon qui forme corps, c’est-à-dire que le bataillon est tout autonome, consideré comme un régiment. Au début de janvier 1950, l’ensemble prende le nom des Unités de Légion étrangère de Madagascar (ULEM), sous les ordres du Lieutenant-colonel Albert Royer, l’ancien chef de corps du 3e REI en Indochine entre 1947 et 1948. Responsable des ULEM, il assurera en même temps le commandement du 4e Bataillon, avec le Chef de bataillon Brinon en tant que son adjoint. Le PC a été installé à Ambositra.
En comparaison avec l’année 1947, la majorité de ces nouveaux légionnaires des ULEM ont déjà passé un séjour de deux ans en Indochine.
Le 4e Bataillon reprend la vie de garnison et les légionnaires deviennent des bâtisseurs. Des plantations d’arbres, jardins, routes, ponts, barrages, bâtiments, et même des camps entiers (à Ambositra, à Manakara ou à Fort-Carnot) sont bâtis par eux. L’activité militaire est conservée par l’instruction, des séances de tirs, des manœuvres et surtout par des tournées de police de 10 à 15 jours en brousse et dans la forêt. Assez fréquentes et toujours dans un secteur différent, elles sont effectuées par groupes à pied (un officier, deux ou trois sous-officiers et une quinzaine de légionnaires).
Le 1er juin 1950, une réorganisation du bataillon a lieu. La 5e Compagnie devient Compagnie Portée, équipée des M3 Scout Car et des Bren Gun Carrier, ainsi que les 4e + 6e + 7e Compagnies ont changées le nom et deviennent les 14e + 15e + 16e Cies, placées à Ambositra, Manakara (14e) et Fianarantsoa (16e).
Le 4e Escadron, lui aussi est implanté à Fianarantsoa. Ses missions sont presque identiques à celles qui sont attribuées au 4e Bataillon. Les cavaliers font des randonnées de plusieurs milliers de kilomètres sur leurs jeeps, de Fort-Dauphin ou de Tuléar situés au sud, jusqu’au nord de Tananarive. Ils abandonnent même les véhicules pour traverser les rivières inconnues en bateau pneumatique (Zodiac). Simultanément, les cavaliers du 2e REC ont construit à Fianarantsoa un camp neuf, avec un foyer et une salle d’honneur extraordinaire.
Au cours ses tournées à pied et ses expéditions portées, les légionnaires ont de la chance de retrouver les traces de leurs anciens de la campagne de 1895-1905. Des vieux postes, travaux de défense, tombes, cimetières.
En ce qui concerne la CGLE, Compagnie de Génie, ses légionnaires sont répartis sur plus de 100 km dans la vallée du fleuve Mangoro, située au nord-est d’Ambositra, à mi-chemin entre Fianarantsoa et Tamatave. Équipés avec engins lourds, leur objectif est de construire routes et ponts. Pour battre la nature, ces hommes du Génie-Légion déforestent des larges bandes de végétation dense, déplacent des milliers de mètres cubes de terre et nivellent le terain.
En août 1951, un rallye automobile de 1 117 km en une seule étape est organisé entre Fort-Dauphin et Tananarive, à travers l’ancienne zone de l’insurrection. C’est une flagrante manifestation que l’île est redevenue complètement sûre. Parmi les 33 voitures, la jeep du 4e Escadron s’est classé 1er des équipes militaires et 2e du classement général.
Le 5 septembre 1951, les 14e et 16e Compagnies des Capitaines Colin et Boisnard quittent « l’île Rouge » pour le Maroc. Elles sont suivies par les 253 volontaires qui partent pour l’Indochine vers la mi-décembre, la date de la dissolution des ULEM. Enfin, le 26 décembre 1951, le reste du bataillon, ainsi que l’escadron et la compagnie de génie embarquent à destination de l’Afrique du Nord. L’œuvre de la Légion à Madagascar est accomplie.
Conclusion
La mission de la Légion à Madagascar en 1947-51 reste parmi ses campagnes les moins connues. C’est partiellement à cause de la guerre sanglante qui se déroule en même temps en Extrême-Orient, et qui provoque l’intérêt dominant des Français. Partiellement, c’est à cause du silence du gouvernement à Paris qui n’a pas voulu exagérer en public les « événements » rebelles sur l’île, pour ne pas encourager les autres mouvements indépendantistes dans l’empire colonial.
Fin janvier 1952, les légionnaires arrivent au Maroc. Le 4e Bataillon s’installe à Fès, les cavaliers du 4e Escadron dissous rejoignent le 2e REC à Oujda. Les éléments de la Compagnie de Génie également dissoute sont affectés à la Compagnie Portée (l’ex-Compagnie Montée) du 4e REI à Ksar es-Souk.
Trois officiers (les Lieutenant Henri Gresle-Bouignol, Lieutenant Georges Berthonnaud et Lieutenant Jean Birolet), deux sous-officiers et 14 légionnaires du 4e DBLE/REI ont laissé leur vie à Madagascar, ainsi qu’un légionnaire-cavalier du 2e REC.
Mais la Grande Île ne demeure que cinq ans sans ses légionnaires. Ils y reviennent en novembre 1956, pour y constituer le Bataillon de Légion Etrangère de Madagascar (BLEM), qui deviendra un nouveau 3e REI en 1962. Cette fois, la Légion maintient sa présence dans « l’île Rouge » pendant 17 ans, jusqu’en 1973. Puis, elle se déplacera au nord-ouest, aux Comores, à Mayotte.
Les légionnaires restent actifs dans la région jusqu’à aujourd’hui. Au sein du DLEM (Détachement de Légion à Mayotte), ils font périodiquement des visites à Madagascar, soit pour entraîner les troupes malgaches, soit pour y effectuer des manœuvres. La tradition continue…
L’album de la Légion à Madagascar en 1947-1951
4e DBLE(M), 4e REI à Madagascar en 1947-1949 :
4e Bataillon du 4e REI à Madagascar en 1949-1951 :
2e REC à Madagascar en 1949-1951 :
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Mes remerciements à Mme Anikó Melchner Kőhegyi et Krzysztof Schramm pour partager leurs albums inédits, et pour leur aide diligente avec cet article.
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Principales sources d’informations:
Képi blanc revues
Vert et Rouge revues
Diego Falcone : Ma vie racontée… (Un Italien dans la Légion en 1946-58 ; Paris, 2011)
Jean Fremigacci : La vérité sur la grande révolte de Madagascar (l’article dans L’Historie, mars 2007)
Jean Fremigacci : Bataillons marocains à Madagascar en 1947-48 (Madagascar-Tribune, 2013)
Jean Fremigacci : Forces coloniales contre insurges dans le secteur sud (l’article dans Omaly sy anio, 2001)
Jacques Tronchon : L’insurrection malgache de 1947 (Editions Karthala, 1986)
Stephen L. Weigert : Traditional Religion and Guerrilla Warfare in Modern Africa (Macmillan, 1995)
Françoise Raison-Jourde : La nation malgache au défi de l’ethnicité (Editions Karthala, 2002)
Anthony Clayton : The Wars of French Decolonization (Routledge, 2013)
Didier Nativel : Madagascar et l’Afrique (Editions Karthala, 2007)
P. Cart-Tanneur + Tibor Szecsko : Le 4ème Etranger (Editions B.I.P., 1987)
Pierre Dufour : Génie-Légion (Lavauzelle, 2000)
de Collectif : Les Grandes Pages de la Légion (Editions Italiques, 2002)
J. Brunon, G.-R. Manue, P. Carles : Le Livre d’Or de la Légion Etrangère (Charles-Lavauzelle, 1976)
Henri Le Mire : L’épopée moderne de la Légion 1940-1976 (SPL, 1977)
de Collectif : Les secrets de la Légion étrangère (E/P/A, 2014)
Memorial Gen Web (Fr)
Service historique (Fr)
Légion Cavalerie (Fr)
Fanion Vert et Rouge (Fr)
Wikipedia.org
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Les motifs originaux inspirés par la Légion.
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L’article original : Foreign Legion in Madagascar in 1947-1951
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La page a été mise à jour le : 5 novembre 2020