De l’autre côté, en 1870, le Second Empire français de l’empereur Napoléon III se retrouve isolé en Europe, en raison de son expédition militaire au Mexique (1863-1867), du soutien à la révolte polonaise contre la Russie, et de l’opposition des souverains d’Europe à la volonté de Napoléon d’acheter le Grand-Duché de Luxembourg, ce qui a causé en 1867 la « crise luxembourgeoise » entre la France et la Prusse. Des tensions politiques à l’intérieur de l’Empire s’en suivent également, sans compter l’état de santé de l’empereur qui se dégrade rapidement. Quant à l’armée française, après l’échec de l’expédition au Mexique, elle est réduite et partiellement démoralisée.
C’est dans ces circonstances qu’une petite querelle diplomatique entre la Confédération de l’Allemagne du Nord et le Second Empire – la « dépêche d’Ems », concernant la préservation de la neutralité du trône espagnol – provoque le 19 juillet 1870 une déclaration de guerre hâtive par le gouvernement français, en dépit de Napoléon III, cherchant un règlement diplomatique. La France donc prend la responsabilité des hostilités, faisant plaisir à Bismarck et Guillaume.
Première phase des combats et la chute de l’Empire
Fin juillet 1870, l’armée prussienne est convenablement hiérarchisée et bien entraînée. Elle dispose de suffisamment d’hommes et de matériels (le canon Krupp avec la cadence de tir et la portée sensiblement supérieure à celle des canons français) ; elle dispose également d’une stratégie militaire efficace, ayant été élaborée dès les conflits contre le Danemark et l’Autriche en 1864 et 1866.
Le seul avantage français lors de la guerre de 1870 est que le pays dispose du fusil Chassepot, le premier fusil de l’armée française à utiliser le chargement par la culasse, et non plus par la bouche. Adopté en 1866, il est de meilleure qualité que le fusil prussien Dreyse et que le fusil bavarois Werder. Malheureusement, les difficultés de l’approvisionnement en munitions diminuent considérablement cet avantage.
Au début d’août, l’armée française (dite l’Armée du Rhin) est prête au combat sur le front de l’Est, sous les ordres de l’empereur lui-même. La Confédération de l’Allemagne du Nord, représentée avant tout par l’armée prussienne, est renforcée par les États allemands du Sud, à savoir le royaume de Bavière, le royaume de Wurtemberg, le grand-duché de Bade et le grand-duché de Hesse, sous la forme d’une alliance militaire. En d’autres termes, au début du conflit, d’environ 250,000 soldats français font face à plus de 500,000 soldats allemands.
Il n’y avait pas de surprise. Les Français sont sévèrement battus dans les trois premières batailles qui se déroulent du 4 au 6 août 1870 dans l’Alsace, à la frontière des États allemands du Sud. Napoléon III cède donc le commandement de l’Armée du Rhin au maréchal Bazaine. C’est un ancien sous-officier, puis officier de la Légion étrangère qui a fait ses preuves en Espagne, en Algérie, en Crimée, en Italie et au Mexique.
Une deuxième armée française – l’Armée de Châlons – est constituée le 17 août, sous le commandement du maréchal Mac Mahon, un ancien lieutenant-colonel de la Légion étrangère de 1843-1845.
Deux victoires tactiques vont se passer sous les ordres de Bazaine, à Borny-Colombey et à Mars-la-Tour, mais l’échec général de l’armée française n’est plus qu’une question de temps. L’Armée du Rhin sera assiégée à Metz dès le 20 août. La fin arrive le 2 septembre devant Sedan, le lieu d’une victoire décisive des forces prussiennes du Feld-Marschall Helmuth von Moltke, accompagné par le roi Guillaume de Prusse et le chancelier Otto von Bismarck. L’Armée de Châlons de Mac Mahon capitule et Napoléon III est fait prisonnier.
Troisième République et la poursuite de la guerre
Suite à la défaite à Sedan, à la capitulation de l’Armée de Châlons, et à la capture de Napoléon III le 2 septembre 1870, une foule à Paris envahit le Palais Bourbon, siège du Corps législatif. Léon Gambetta – un député de Paris de l’opposition républicaine – proclame la chute du régime impérial et l’instauration de la République. Ensuite, un gouvernement de la Défense nationale est constitué.
Ce nouveau gouvernement républicain déclare sa volonté de continuer la lutte. L’Armée du Rhin du maréchal Bazaine résiste toujours dans Metz assiégée. Paris sera également assiégée par l’ennemi à partir du 17 septembre. Pour réorganiser la défense en France, le nouveau ministère de la Guerre et de l’Intérieur Gambetta quitte la capitale en ballon le 7 octobre, et rejoint l’antenne gouvernementale qui s’était installée à Tours, une commune située à 240 km au sud-ouest. Gambetta y reconstituera trois nouvelles armées : Armée de la Loire, Armée du Nord et Armée de l’Est. La guerre continue…
Légion étrangère dans la guerre de 1870
En juillet 1870, la Légion étrangère vit en Algérie (Afrique du Nord) sous le titre de Régiment Etranger. Réduit suite à la campagne du Mexique, comme des autres unités françaises, le régiment ne comprend que 117 officiers et 2,457 sous-officiers et hommes. Répartis en quatre bataillons, ils maintiennent l’ordre dans l’ouest du pays occupé par la France depuis 1830. En vue de la loi du 9 mars 1831, les légionnaires ne sont autorisés à intervenir que hors de la France métropolitaine.
Alors, on doit chercher au plus vite des hommes pour le conflit à venir. Le service militaire n’étant pas obligatoire pour tous en France à cette époque, une loi impériale du 17 juillet autorisait dans l’armée française les engagements volontaires pour la durée de la guerre (E.V.D.G.). Ces engagements s’appliquent aux personnes valides de tout âge, en remplacement de l’engagement volontaire d’au moins deux ans qui existait alors en temps de paix en faveur des jeunes hommes. Néanmoins, à la différence des conclusions dans les autres ouvrages historiques, cette loi ne concerne pas d’une façon primordiale de volontaires étrangers, comme on le verra en 1914 et en 1939. Un exemple : en août 1870, plus que 25,000 engagés volontaires pour la durée de la guerre sont recrutés dans l’infanterie française. Mais parmi eux, on ne trouve que 557 étrangers (soit 2 %).
5e Bataillon du Régiment Etranger
Dans le but d’intégrer ces volontaires étrangers voulant servir sous le drapeau français, un décret impérial du 22 août autorisait en France la création du 5e Bataillon du Régiment Etranger. Le bataillon sera organisé à Tours, désigné déjà en juillet comme le futur « dépôt de tous les déserteurs étrangers ». Par un curieux hasard, cette ville deviendra en octobre le siège de Léon Gambetta et de sa délégation gouvernementale de la défense.
D’ailleurs, une circulaire du 5 septembre du nouveau gouvernement prescrit de refuser l’engagement de tous les Prussiens et les citoyens des États allemands du Nord et du Sud. Donc, les déserteurs et les volontaires concernés qui se sont déjà engagés doivent être dirigés sur l’Algérie.
Constitué surtout d’Autrichiens, de Belges, de Suisses, de Polonais, d’Italiens ou d’Espagnols, le bataillon est porté à huit compagnies, soit quelque 1,250 hommes. Ils sont commandés par le chef du bataillon Victor Arago, venu du 86e Régiment de ligne. Parmi les officiers du bataillon, on compte un certain sous-lieutenant Kara George. C’est en réalité le prince serbe Karageorgévitch qui deviendra en 1903 le roi Pierre Ier de Serbie.
Le 5e Bataillon est rattaché à la 1re Brigade de la 2e Division du 15e Corps d’Armée du général de La Motte-Rouge, qui fait partie de l’Armée de la Loire, l’une des trois nouvelles armées.
Le 30 septembre, le bataillon quitte Tours pour Orléans, à environ 120 kilomètres au sud de Paris. Il y arrive le 10 octobre.
Entre le 10 et le 11 octobre, le 5e Bataillon participe a à la défense d’Orléans. Les Prussiens et les Bavarois, sous les ordres du général Von der Tann, se rejoignent derrière le dos des Français et débouchent dans la rue prolongeant le faubourg Bannier. Le 11 octobre, le combat de rue s’engage vers 2 heures du matin et dure toute la journée, au milieu d’innombrables prodiges de valeur et d’audace. Les légionnaires se battent littéralement de maison en maison, de jardin en jardin. Un sergent belge, Joseph Féront, se distingue comme excellent tireur et abat avec son fusil 80 ennemis.
À 17 heures, le commandant Arago est tué. Il sera remplacé à la tête du bataillon par le capitaine Morancy. En même temps, la retraite des Français est sonnée. Mais les légionnaires y répondent par le cri « en avant » et continuent à défendre la place. Ils n’obéissent qu’au troisième appel et se replient enfin.
Le 5e Bataillon a laissé dans cette bataille les deux tiers de son effectif, soit six cents morts ou blessés, deux à trois cents font prisonniers. Parmi les 25 officiers, six ont été tués, sept blessés et six emprisonnés.
Le courage des hommes du 5e Bataillon force l’admiration de l’ennemi.
Les officiers du 5e Bataillon, tués le 11 October 1870
- Commandant ARAGO Victor – chef de bataillon
- Capitaine CHARNAUX François
- Sous-lieutenant KACZKOWSKI Stanislas
- Sous-lieutenant FAY H.-J.
- Sous-lieutenant YUNG DE CRISTOFEU
- Sous-lieutenant KURNEWITCH
Régiment Etranger de marche
Le 22 septembre 1870, le colonel Deplanque du Régiment Etranger en Algérie reçoit l’ordre de constituer deux bataillons de volontaires, pour partir en France, d’où seraient écartés les légionnaires allemands de tous grades. Les 1er et 2e Bataillons sont désignés. Portés à huit compagnies chacun, ils débarqueront en France le 11 octobre. L’effectif total est de 60 officiers et 1,457 hommes, commandés par leur colonel. Le 19, dans la région d’Orléans, les deux bataillons sont rejoints par le 5e Bataillon dans un état squelettique, alors aux ordres du commandant Béchet. L’ensemble formera le Régiment Etranger de marche, unité réduite à 2,000 hommes.
Le régiment reste au sein du 15e Corps d’Armée, composé de troupes rappelées d’Algérie, de soldats des dépôts et de réserves. Leur mission (et celle de toute l’Armée de la Loire) est de stopper la progression des troupes allemandes vers Paris, assiégée par les Prussiens.
Le 27 octobre, c’est la capitulation de l’ex-Armée du Rhin du maréchal Bazaine (150,000 hommes) assiégée à Metz depuis fin août ; cette capitulation porte un grave coup à la France.
Le 9 novembre, le Régiment Etranger de marche participe à la bataille de Coulmiers à l’ouest d’Orléans, en chassant les Bavarois. Les légionnaires reprennent ensuite Orléans, perdue en octobre. Cette bataille est la plus importante victoire remportée par l’armée française durant la guerre de 1870-1871. Mais la neige et la pluie tombent déjà en abondance, et les mouvements des soldats dans le paysage deviennent très difficiles.
Quelques jours plus tard, le colonel Deplanque est nommé général. Il est remplacé à la tête du régiment par le colonel de Curten venu d’Algérie. Nommé général lui-même deux semaines plus tard, c’est le lieutenant-colonel Canat nouvellement promu qui prend enfin le commandement du Régiment Etranger de marche et le conservera jusqu’à la fin de la campagne.
Le 3 décembre, les légionnaires se font remarquer à la Croix-Briquet, près d’Orléans, par leur splendide attitude face aux Bavarois du général Von der Tann. Le lendemain, c’est le combat entre Cercottes et Chevilly. Baïonnette au canon, les charges des légionnaires forcent l’ennemi à se retirer. Toutefois, les Allemands reprennent l’avantage grâce aux effectifs dont ils disposent. C’est alors l’ordre de la retraite pour le 15e Corps d’Armée. Le 5 décembre, le groupe d’armées du grand-duc de Mecklembourg s’empare à nouveau d’Orléans.
Le repli se poursuit sous la neige, vers Bourges, l’ancien dépôt du 5e Bataillon et du Régiment Etranger de marche. Les hommes sont exténués de froid, de faim et de fatigue. Le moral tombe rapidement. Considérablement réduit par les combats, le régiment ne forme plus qu’un bataillon de marche composé d’environ 900 hommes. Une compagnie d’Irlandais vient les rejoindre.
Entre les 18 et 23 décembre, à peu près 2,000 jeunes recrues des dépôts de huit régiments de ligne (7e, 12e, 21e, 48e, 68e, 69e, 70e, 71e), en grande partie des Bretons sans l’instruction de base, renforcent le régiment et montent son effectif à quelque 3,000 hommes. Il compte alors trois bataillons à huit compagnies et une compagnie d’éclaireurs (unité de reconnaissance).
Le 7 janvier 1871, le Régiment Etranger de marche quitte Bourges pour se diriger vers l’Armée de l’Est du général Bourbaki. Le froid est si intense que de nombreux hommes ont les pieds gelés pendant le mouvement. Arrivés à Montbéliard le 15, les légionnaires s’installent à l’ouest de la ville, qui est située près de la frontière suisse. Le 20, après quelques accrochages avec les Prussiens du général Von Werder, le régiment se replie à l’ouest, vers Besançon. Les 25 et 26 janvier, ses bataillons sont vivement engagés.
Le 28 janvier 1871, l’armistice franco-allemand est signé. Mais l’Armée de l’Est, s’abritant à la frontière suisse, n’était pas comprise dans les conditions de l’armistice. Le général Bourbaki alors céda le commandement au général Clinchant, son adjoint. Ce dernier va négocier l’internement de l’Armée de l’Est en Suisse pour qu’elle ne tombe pas en captivité. À partir du 1er février, presque 90,000 hommes commencent à passer la frontière.
Au contraire, le Régiment Etranger de marche est toujours installé à proximité de Besançon, face aux Prussiens. Enfin, le 15 février, l’armistice général intervient et permet aux hommes de prendre du repos. La malheureuse guerre est enfin finie.
Mais le pays bouleversé connaît ensuite d’autres semaines tristes au cours desquelles un soulèvement dans la capitale, connu sous le nom de Commune de Paris, devra être réprimé. C’est donc peu après la fin des combats avec les Allemands que les Français commencent à se battre entre eux. Par ordre du nouveau gouvernement, les trois bataillons du Régiment Etranger de marche participeront activement à la suppression de ce soulèvement. Ironiquement, ce fut lors de la toute première intervention de la Légion en France. Ce sujet encore assez sensible fera l’objet de son propre article à l’avenir.
Le 15 juin 1871, les trois bataillons quittent finalement la France pour l’Algérie. Une semaine plus tard, le 22, les légionnaires rejoignent la portion centrale du Régiment Etranger basée alors à Mascara.
Autres unités de la Légion étrangère durant la guerre de 1870
Les ouvrages officiels publiés par la Légion étrangère, ainsi que la plupart des études historiques consacrées au déploiement des légionnaires en France pendant la guerre franco-prussienne, ne traitent que des trois bataillons mentionnés ci-dessus. Cependant, nous avons ici la rare occasion de présenter toutes les unités qui ont été ou devaient être formées entre 1870 et 1871 pour rejoindre la guerre en France, et qui auraient dû être administrées par la portion centrale du Régiment Etranger en Algérie.
2e Régiment Etranger et Compagnie irlandaise
Tout comme en 1855, lors de la guerre en Crimée, l’empereur Napoléon III ordonnera encore une fois quinze ans plus tard la formation d’une seconde Légion, ou plus précisément d’un second Régiment Etranger. Et si la deuxième légion étrangère de 1855 ne devait être composée que de Suisses, le deuxième régiment étranger de 1870 ne devrait être composé que d’Irlandais.
Ainsi, par un décret impérial du 1er septembre 1870, la formation en France d’un deuxième Régiment Etranger a été prescrit, organisé à Cherbourg et à Caen en Normandie par un certain James Mac-Adaras, d’origine irlandaise. Se faisant passer pour un ancien officier de l’armée britannique, il a été nommé lieutenant-colonel français. Le nouveau régiment irlandais devrait répartis entre cinq bataillons à huit compagnies chacun. Quant au 5e Bataillon déjà créé en France, il reste rattaché administrativement au régiment étranger d’Algérie, ce dernier rebaptisé par le même décret, le 1er Régiment Etranger.
Ce projet pourrait renouer la longue tradition de plusieurs régiments irlandais servant la France entre 1690 et 1792. Néanmoins, pour rester neutre dans la guerre à venir, le Parlement du Royaume-Uni a établi en août 1870 une loi interdisant à ses habitants de s’engager dans une armée étrangère.
Donc, le 2e Regiment Etranger irlandais ne sera jamais réellement constitué. Le régiment est licencié dix semaines plus tard, le 16 novembre, alors qu’il est encore en cours de formation, avec un effectif de moins de trois cents hommes. Une seule compagnie de combat est enfin créée, sous les ordres du capitaine Martin Waters Kirwan, un militaire et journaliste irlandais de Galway. À part le capitaine, la compagnie est constituée de trois lieutenants (dont un médecin-lieutenant), 6 sous-officiers, un clairon, 8 caporaux et 76 hommes. Elle est dirigée vers le Régiment Etranger de marche pour devenir le 11 décembre, la 8e Compagnie formant corps (unité autonome qui s’administrait séparément) du 5e Bataillon. Connue comme la « Compagnie irlandaise », ses hommes reçoivent le baptême du feu en janvier 1871, à Montbéliard. Deux mois plus tard, fin mars, ils regagnent leur patrie. Cependant, le lieutenant Cotter de la Compagnie irlandaise choisira de rester avec la Légion et de partir en Algérie.
Compagnie de la Légion étrangère de la Division Bretagne
Fin septembre 1870, une compagnie du 5e Bataillon du Régiment Etranger, composée d’environ 190 hommes insuffisamment instruits, quitte Tours pour la Bretagne. L’unité, sous les ordres de deux officiers, s’implante à Brest, une ville située à l’extrémité ouest du pays et, depuis 1865, le deuxième port militaire français. La compagnie y reste du 1er octobre au 6 novembre, date à laquelle elle part au camp de Conlie, non loin du Mans. C’est dans ce camp que des milliers de volontaires bretons sont conduits au moment de la guerre.
Là, les cadres de la compagnie sont complétés. Elle est ensuite rattachée à la Division de la Bretagne (officiellement la 4e Division du 21e corps), une seule partie active d’une armée de réserve, l’Armée de Bretagne du général de Kératry. En décembre, la Division de Bretagne renforcera la deuxième Armée de la Loire, formée par la scission de l’armée originale.
Dans les ordres de bataille, la compagnie est mentionnée comme la « Compagnie de la Légion étrangère ».
L’unité, dont la nationalité des hommes n’est indiquée dans aucune source connue, est souvent employée comme troupe de partisans. L’une des hypothèses proposées n’exclut pas qu’il puisse s’agir d’une compagnie disciplinaire.
En janvier 1871, elle prend part à la charge à la baïonnette pendant la Bataille du Mans contre les troupes du prince Frédéric-Charles de Prusse, et protège l’artillerie et les convois pendant la retraite suivante. Au cours de ces combats, la compagnie subit des pertes considérables. Elle est ensuite envoyée, avec toute sa division, à défendre la Bretagne. Ici, à Rennes, cette unité mal connue sera licenciée.
6e Bataillon du Régiment Etranger
Ce bataillon n’est mentionné dans aucune source officielle de la Légion, ni dans la plupart d’œuvres historiques. Voici donc une première chance de connaître un peu mieux cette unité oubliée.
Fin décembre 1870, le gouvernement de la Défense Nationale décide de former un nouveau bataillon au sein du Régiment Etranger, cette fois au nord de la France. Ainsi, un décret est signé par le gouvernement le 12 janvier 1871 pour la création officielle du 6e Bataillon, qui devrait avoir six compagnies et s’administrer séparément. Le dépôt du bataillon s’implante depuis quelques jours à Saint-Omer, une petite ville entre Lille et Calais. Et c’est déjà le 4 janvier, quand le chef de bataillon Charles Gache, venant du 49e Régiment de ligne, est nommé son commandant. Sous le titre de « 6e Bataillon Etranger » ou « Bataillon Etranger de Saint-Omer », il fera partie de l’Armée du Nord du général Faidherbe, récemment constituée.
Le recrutement se compose en majorité de Français et de Belges, mais il y a aussi quelques recrues néerlandais et d’autres nationalités. Parmi les sept premiers officiers du bataillon, on peut trouver deux sous-lieutenants belges, Bayet et Herber, et le sous-lieutenant Turno-Przybylski, d’origine polonaise. Il est intéressant que tous les trois officiers soient venus des unités hors de la Légion. Il s’ensuit qu’un certain nombre d’étrangers ont servi dans des unités françaises métropolitaines pendant la guerre de 1870 (régulières ou Garde mobiles), sans être dirigés vers le Régiment Etranger.
Malgré le temps glacial et le déroulement désespéré de la guerre du côté français, le recrutement a augmenté assez rapidement. Début février 1871, l’effectif total du bataillon est de 12 officiers et 215 hommes. Quatre semaines plus tard, on peut déjà compter 16 officiers et 324 hommes, répartis en un état-major, une section hors rang, quatre compagnies actives et une compagnie de dépôt (la 6e, du capitaine Fouchet). Cependant, l’armistice signifie la fin des combats en France et l’impossibilité pour cette unité d’entrer en campagne. En avril, le bataillon alors quitte Saint-Omer pour être transféré en Afrique du Nord. Là, ses traces officielles s’arrêtent.
Mais dans sa correspondance de 1880, le chef de bataillon Gache indique que « … lorsque l’armistice, mon Bataillon venait d’être annexé au Régiment Etranger. Je le conduisis d’urgence en Algérie, où venait d’éclater la grande insurrection de 1871. Mon Bataillon opéra dans le Sahel, dans le pays compris entre Milianah et Cherchell, et enfin en décembre, dans le sud de la province d’Oran ».
Et c’est vrai. On sait que depuis fin mai 1871, « un détachement du Régiment Etranger, composé de 12 officiers et 585 hommes sous les ordres du chef de bataillon Gache » faisait partie des colonnes des colonels Désandré (mai-juin), Goursaud (juin-juillet) et Nicot (juillet-septembre) dans la région entre Miliana et Cherchell, située à une centaine de kilomètres au sud-ouest d’Alger. Trois mois des combats acharnés avec les rebelles berbères pour un bataillon oublié du Nord de la France.
En décembre, par ordre du ministre de la guerre, les Français et les engagés volontaires des 5e et 6e Bataillons sont licenciés ; le Régiment Etranger perd ainsi 1,200 hommes. En ce qui concerne les étrangers servant dans ces unités, ils sont versés aux bataillons restants.
Compagnie hanovrienne
Un décret du 5 janvier 1871 autorise en Algérie, pour la durée de la guerre, la formation d’une compagnie d’infanterie composée d’éléments hanovriens réfugiés en Afrique du Nord. Ces hommes sont des anciens soldats de la Légion hanovrienne (appelée aussi la « Légion guelphique ») du roi George V de l’ex-Royaume de Hanovre, un État germanique du nord-ouest de l’Allemagne. Cet état a été annexé par la Prusse après la guerre avec l’Autriche de 1866. Survivant en France depuis 1868, la Légion a été finalement dissoute en avril 1870. Trois mois plus tard, suite à la déclaration de la guerre, le roi George demande à Napoléon de reconstituer sa Légion, mais en vain.
Cette unité ne se formera donc qu’en janvier 1871 en Algérie, à Oran. Appelée « Compagnie d’auxiliaires hanovriens », elle est commandée par le capitaine Petitjean venant d’un bataillon d’infanterie légère d’Afrique. Celui-ci est accompagné par le lieutenant Kreis et par le sous-lieutenant Liberti, anciens membres de la Légion hanovrienne. Pour la solde, les prestations et l’uniforme, la compagnie sera organisée comme des unités d’infanterie françaises. Forte d’environ 160 hommes (en janvier) et ne jouant généralement aucun rôle militaire, elle sera désarmée et licenciée après la signature du traité de paix.
Il est très probable que cette unité était administrativement rattachée à la portion centrale du Régiment Etranger à Mascara, une ville dans la province d’Oran. Il est très probable également qu’un certain nombre de cadres provenait d’éléments hanovriens du Régiment Etranger restants avec les autres Allemands en Afrique du Nord.
Autres unités de volontaires étrangers dans la guerre
Pendant la guerre de 1870, un certain nombre d’unités militaires composées d’étrangers sont formées en France hors de l’administration de la Légion étrangère. Ces unités sont généralement de nature volontaire, et considérées comme des corps francs, c’est-à-dire des unités paramilitaires de partisans rattachées aux formations de l’armée régulière, pour harceler les arrières de l’armée allemande. Les corps francs étaient la troisième et dernière incarnation des forces improvisées au moment de la guerre, autorisées par le nouveau gouvernement républicain. De nombreux corps francs se créent tant par des départements français, que par des volontaires étrangers. Voici, on présente donc les plus connus de ces derniers.
Armée des Vosges
La plus grande et plus connue formation du côté français représentant les volontaires étrangers au sein des corps francs dans la guerre de 1870. L’Armée des Vosges est formée en octobre 1870 par Giuseppe Garibaldi, républicain italien, révolutionnaire et un fort opposant de l’Empire français de Napoléon III. Il était heureux d’offrir ses services à la nouvelle administration républicaine de Gambetta. Ce dernier lui confie le commandement de tous les corps francs de la zone des Vosges, située à l’Est de la France, entre Strasbourg et Paris.
Garibaldi place son état-major à Dole et répartit l’Armée des Vosges en quatre brigades. Deux sont commandées par ses deux fils, Ricciotti et Menotti, deux autres par Cristiano Lobbia, un militaire italien, et Jozef Bossak-Hauké, un général polonais.
Le total des troupes de l’Armée des Vosges, au moment de l’armistice, sera d’environ de 10,000 à 24,000 hommes (sur papier) comprenant des corps francs français et des volontaires étrangers : en majorité des Italiens et des Espagnols. Mais il y avait aussi des volontaires d’Amérique du Sud, venus d’Uruguay, d’Argentine ou du Brésil, et réunis au sein de la « Légion Franco-Montévidéenne », « Légion Franco-Argentine » ou « Corps francs de Rio de Janeiro », soit trois cents hommes ensemble. On y pouvait y trouver même des volontaires grecs ou égyptiens.
En novembre, pendant des combats au nord de Dijon, la brigade de Ricciotti Garibaldi fait 200 prisonniers allemands et s’empare d’armes et de munitions.
Fin janvier 1871, Garibaldi s’installe avec son armée à Dijon. Les 21, 22 et 23 janvier 1871, la ville est attaquée par 4,000 Prussiens, mais les troupes de Garibaldi sortent victorieuses. De plus, elles s’emparent d’un drapeau d’un régiment allemand, supposé être l’un des deux drapeaux pris à l’ennemi durant la guerre.
Néanmoins, il y a aussi des critiques à l’égard de Garibaldi. Après la fin des hostilités, une partie de l’Assemblée nationale, ainsi que de hautes autorités militaires, accusent Garibaldi d’agir comme un général politique et un traître révolutionnaire qui désobéit aux ordres et ne veut pas aller au secours de l’Armée de l’Est du général Bourbaki, ce qui conduit à la défaite finale.
En 1914, pendant la Première Guerre mondiale, de nouveaux volontaires garibaldiens formeront le 4e Régiment de marche du 1er Etranger (« Légion garibaldienne »), sous le commandement du petit-fils de Giuseppe Garibaldi, Peppino. L’unité s’illustrera en Argonne durant l’hiver 1914-1915.
Carabiniers du XIe arrondissement
Un corps franc est composé de volontaires étrangers, en majorité des Hollandais et des Belges, du 11e arrondissement de Paris, situé sur la rive droite de la Seine entre les places de la Nation, de la République et de la Bastille. L’unité est déjà active le 1er septembre 1870, sous les ordres du capitaine Othon. Composée de 160 hommes, elle sera rattachée à la maire de l’arrondissement.
En septembre, cette compagnie est envoyée par le gouverneur de la capitale à Senlis, une commune à quarante kilomètres au nord de Paris. Les « carabiniers » y prennent part aux opérations pour stopper l’ennemi, aux côtés de la cavalerie française. De retour à Paris, les Carabiniers du XIe arrondissement sont mis à la disposition du commandant de la place de Saint-Denis. Ne comptant que deux officiers (Othon, Vithmann) et 66 hommes, l’unité est licenciée le 23 octobre.
Légion des Volontaires de la France
Projet du général Heidenrich-Kruck, cette légion est officiellement créée le 7 septembre 1870 à Paris. Formée principalement par des volontaires polonais résidant dans la capitale, l’unité est placée sous le commandement du lieutenant-colonel Cailloué. L’effectif de la Légion des Volontaires de la France est fixé à 17 officiers et 259 hommes. Constitué de deux compagnies et d’un escadron (4 officiers et 83 cavaliers commandés par le M. Fould et le capitaine d’Estampes), l’unité a pris part au premier siège de Paris.
Légion des Amis de la France
Un autre corps franc organisé à Paris et composé de volontaires étrangers. Il est en formation depuis le 9 septembre 1870, sous les ordres d’un officier belge, le général Van der Meeren. Placée dans le jardin du Palais-Royal, non loin du palais du Louvre, l’unité est composée en majorité de Belges et de Suisses. Viennent ensuite les Américains, les Anglais, les Russes, puis les Espagnols, les Italiens, mais aussi d’autres nationalités. La plupart d’eux sont d’anciens militaires. Reconnue par le nouveau gouvernement quelques jours plus tard, l’unité obtiendra 300 fusils britanniques Snider-Enfield. Constituée de trois compagnies, l’effectif de la Légion des Amis de la France s’élève à 18 officiers et 236 hommes. Leur uniforme est en drap brun sombre, les insignes et les galons sont noir, le képi est marron. Bien disciplinée, la légion est mise à la disposition du général Achille d’Exéa-Doumerc, l’un des chefs de la défense de Paris. Servant comme des éclaireurs dans les postes avancés, les « légionnaires » participeront aux combats à Bouget, Groslay, ou à Brie-sur-Marne et Villiers-sur-Marne.
Ambulances britanniques et américaines
Pour conclure consciencieusement le sujet des volontaires étrangers pendant la guerre de 1870, il ne faut pas oublier les volontaires britanniques et américains des unités d’assistance médicale qui soignent les soldats français blessés durant le conflit.
Bien que le Royaume-Uni et les États-Unis soient restés neutres pendant la guerre franco-prussienne, leurs citoyens ont fourni des ambulances et d’autres formes d’assistance médicale aux combattants et aux civils touchés par la guerre. Ainsi, trois unités principales de ce type ont été créées : Ambulance Anglaise de Richard Wallace, un résident anglais de Paris ; Ambulance Anglo-Américaine de James Marion Sims, docteur américain qui servait comme le chirurgien de l’Impératrice Eugénie entre 1863-1866 ; et finalement, Ambulance Irlandaise de Charles P. Baxter, un chirurgien militaire britannique. Cette dernière était composée d’environ 180 hommes qui n’ont pas rejoint la Compagnie Irlandaise du Régiment Etranger.
Les ambulances et leurs détachements ont servi avec les Armées du Nord et de la Loire, autant que pendant le siège de Paris, jusqu’à la signature de l’armistice en janvier 1871.
Conclusion
La guerre de 1870 a été un conflit tragique et surtout inutile. Elle a profondément ébranlé la société française et l’estime de soi des Français. Outre sa propre défaite, la France a perdu l’Alsace-Lorraine, annexées en mai 1871 par l’Empire allemand nouvelement créé.
Quant à la guerre elle-même, ils y sont apparus pour la première fois les engagés volontaires pour la durée de la guerre (E.V.D.G.). Cependant, il s’agissait principalement de Français et non d’étrangers, comme nous le savons depuis les deux guerres mondiales. Un autre fait intéressant est que beaucoup de volontaires étrangers ont été engagés du côté français dans des unités militaires qui n’avaient aucune relation avec la Légion étrangère.
Enfin, la guerre franco-prussienne a provoqué l’interdiction de recruter des candidats allemands à la Légion pendant encore plusieurs longues années, à l’exception de ceux provenant de l’Alsace-Lorraine. Cette décision a considérablement affecté la composition de nationalités et le caractère de la Légion, jusqu’en 1914.
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Principales sources d’informations:
Képi blanc revues
de Collectif: La Guerre de 1870-71 – La Défense Nationale En Province (R. Chapelot et Cie, 1911)
de Collectif: La Guerre de 1870-71 – Campagne de l’Armee du Nord – IV – Saint-Quentin (R. Chapelot et Cie, 1904)
Aristide Martinien: La Guerre de 1870-1871 – La Mobilistation de l’Armee – Mouvements des dépots (L. Fournier, 1912)
Ferdinand Lecomte: Guerre franco-allemande en 1870-1871 – Tome III (Genève et Bale, 1872)
Alexandre Dupont: Les volontaires espagnols dans la guerre franco-allemande de 1870-1871 (Mélanges de la Casa de Velázquez Nº 45, 2015)
Amédée Le Faure: Histoire de la guerre franco-allemande 1870-71 – Tome I (Garnier frères, 1875)
Gustave Schelle: Œuvres de Turgot – Tome III (Librairie Félix Alcan, 1919)
La Liberté journal (Septembre 1870)
La Petite Presse journal (Novembre 1870)
Le Rappel journal (Novembre 1870)
L’armée de la Loire 1870-1871
Google.com
Wikipedia.org
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L’article original : Franco-Prussian War 1870-1871
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La page a été mise à jour le : 30 juin 2021