Introduction
Djibouti était une colonie française depuis 1896, initialement connue sous le nom de Côte française des Somalis, et depuis 1967, comme Territoire français des Afars et des Issas. Le territoire était alors officiellement contrôlé par la France, jusqu’en 1977, année où Djibouti obtint son indépendance. Néanmoins, les Français préservaient des attaches avec le pays depuis lors, ainsi que leur présence militaire permanente (même en 2021) dans cette région importante stratégiquement qui est considerée la porte vers la Mer Rouge.
C’est pourquoi la Légion était déjà bien implantée à Djibouti au début des années 1980, représentée ici par la 13e Demi-brigade de Légion étrangère (13e DBLE). Depuis fin 1974, le 2e Régiment étranger de parachutistes (2e REP) de Calvi (Corse) avait également régulièrement déployé l’une de ses cinq compagnies de combat dans la Corne de l’Afrique pour renforcer la 13e DBLE, dans le cadre de la mission de courte durée (MCD). Ce séjour, bien accueilli par chaque légionnaire, durait à l’époque entre cinq et six mois en moyenne (quatre mois les années suivantes).
Les parachutistes de la Légion aidaient leurs camarades de la demi-brigade à maintenir l’ordre dans la région ou à garder le dépôt de munitions de l’Armée française, et s’entraînaient au combat en milieu désertique. Les légionnaires patrouillaient aussi le long de la frontière pour arrêter ou neutraliser les rebelles venant de Somalie ou d’Ethiopie. Début février 1976, ils intervinrent lors de la Prise d’otages de Loyada pour sauver des enfants français kidnappés par des militants locaux.
Lorsqu’elles se trouvait à Djibouti, chaque compagnie du 2e REP était rattachée administrativement à la 13e DBLE et devenait temporairement sa « compagnie tournante », qui était alors implantée au poste militaire d’Arta.
De ce fait, fin janvier 1982, le capitaine Darras et sa 4e Compagnie du 2e Régiment étranger de parachutistes quittèrent la Corse pour remplacer à Djibouti leurs collègues de la 1re Compagnie du 2e REP. Ils arrivèrent dans le pays africain le 25 janvier.

La mission de routine
Le 3 février 1982, un exercice militaire habituel est prévu à Djibouti, avec la participation de la 4e compagnie du 2e REP. Le matin, le sergent-chef Storai et sa 2e Section sont alignés à la base du Détachement Aérien 188 dans la ville de Djibouti (la capitale). C’est alors seulement leur dixième jour en Afrique. Ensemble, avec des hommes du Commando Joubert de la Marine nationale, ils sont chargés d’effectuer un saut d’entraînement au-dessus de la zone de largage G (Gayo Yare), située au nord-ouest de la capitale, à travers le golfe de Tadjourah.
Deux avions français Nord 2501 Noratlas de l’ETOM 88 (Escadron de transport d’outre-mer) sont présents à la base à 7 h du matin. Le premier, numéroté 140 et commandé par le commandant Dalmasso, est occupé par la 2e Section du SCH Storai, un vétéran de la mission de sauvetage à Loyada en 1976. Le deuxième avion, sous les ordres du commandant Lorenzi, est occupé par le Commando Jaubert. Le soleil se lève. Les deux appareils commencent à bouger et décollent.
Le premier Noratlas se dirige vers Tadjoura (aussi Tadjourah), la plus vieille ville de Djibouti. En plus des cinq membres d’équipage et de la 2e Section (composée de 25 hommes et leur chef), figurent cinq autres personnes à bord, dont trois officiers. Deux d’entre eux sont des membres de la Légion : le capitaine Philipponnat, officier adjoint à la 4e Compagnie du 2e REP et son futur commandant, et le capitaine Chanson de la 13e DBLE, un ancien commandant de la 2e Compagnie du 2e REP. Ce dernier est accompagné par le capitaine Droulle, l’officier TAP de l’État-major des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj).
L’un des autres hommes à bord est le caporal Lauriol, de la 13e DBLE. Avec le capitaine Chanson, il vient d’être transféré du 2e REP à Djibouti il y a peu. Ce matin-là, il est chargé de récupérer tous les parachutes après le saut.
Enfin, le maître Gloanec, un moniteur issu du Commando Jaubert qui a pour mission d’assurer le largage, complète le nombre des participants. Au total, 36 hommes sont à bord.
La tragédie
Le temps est mauvais et le Noratlas 140, avec ses 36 hommes à bord, disparait hors de la vue du second engin aussitôt après son décollage. Ce dernier tente d’entrer en contact avec le dirigeant à plusieurs reprises, sans succès. Plus tard, ils contactent la zone de saut de Gayo Yare, mais personne n’a de nouvelles du Noratlas 140. Après avoir entendu les messages, l’avion poursuit sa mission et le Commando Jaubert saute au-dessus de la zone de saut désignée. À 9 h, le second Noratlas atterrit à la base aérienne de Djibouti.
Au même moment, le troisième Nord 2501 Noratlas attend sur la piste. Ce dernier devrait utilisé comme avion d’observation en cas d’intervention d’urgence suite à la disparition du premier Noratlas. L’avion effectue ses recherches toute la journée. Cependant, ce n’est que le lendemain matin que la triste nouvelle tombe : le Noratlas 140 disparu a été retrouvé.
Pour être plus précis, ses restes partiellement brulés sont retrouvés. Ils ont été découverts au pied du Mont Garbi, une montagne dans la partie ouest de la région Tadjourah de Djibouti, située à environ 100 km à l’ouest de la ville de Djibouti. Cette montagne, d’une altitude de 1 680 m, est le troisième point le plus haut de Djibouti.
D’après un rapport officiel, le 3 février à 7 h 39, à cause du mauvais temps et d’un réglage barométrique incorrect de l’altimètre de l’engin, le Noratlas 140 s’écrase sur le Mont Garbi et explose. Les 36 hommes à son bord périssent, aucun d’eux ne survit.
Pour la Légion étrangère, l’accident du Mont Garbi de 1982 demeure le jour le plus tragique depuis la fin de la Bataille de Dien Bien Phu (1954) durant la guerre d’Indochine.
Par une curieuse ironie du sort, six ans plus tôt, un autre accident aérien tragique ayant tué des légionnaires avait eu lieu à Djibouti : le crash d’un hélicoptère en mai 1976. Cependant, cet accident fut ensuite oublié…

Rendre hommage
Le 12 février 1982, une cérémonie commémorative est organisée pour rendre hommage aux légionnaires tués du 2e REP. Elle se tient au Camp Raffalli, la base militaire du régiment située près de Calvi, en Corse. En plus des autorités locales et des civils, deux personnes importantes assistent aussi à la cérémonie : le ministre de la Défense, Charles Hernu, ainsi que le général Jeannou Lacaze, alors chef d’État-Major des armées, militaire le plus gradé de l’Armée française. Le général Lacaze est un ancien commandant du 2e REP. Il a conduit le régiment lors de l’intervention au Tchad, en 1969-1970. Après la cérémonie, les légionnaires sont enterrés au cimetière militaire de Calvi.
À Djibouti, le 3 juin 1982, un monument est érigé sur le site de la tragédie afin de commémorer les victimes de ce triste accident. Le monument est construit par la 2e Compagnie de travaux de la 13e DBLE, avec l’aide des commandos marine.




L’accident : les victimes
Victimes : 2e REP
- Capitaine PHILIPPONNAT Eric – officier adjoint à la 4e compagnie
- Sergent-chef STORAI Georges – chef de la 2e Section, ancien de Layada de 1976
- Sergent DORE Patrick – chef de group, 7 ans de service
- Sergent POMIER Dominique – chef de group, benjamin des sous-officiers
- Sergent WOUTIER André – chef de group, decoré à Kolwezi en 1978
- Caporal BURGRAFF Adolph (venant d’Allemagne de l’Ouest)
- Caporal OEHLMANN Gustav (Allemagne de l’Ouest)
- Caporal OLETTA Albin (France)
- Caporal PELTON Eddy (France)
- Caporal SIMONET Francois (France)
- 1ère classe BEAUTEMPS Marc (France)
- 1ère classe BETON Norbert (France)
- 1ère classe KERTY Gallien (France)
- 1ère classe ZASSER Raymond (Algérie)
- Légionnaire BUZUT Muslum (Turquie)
- Légionnaire DEPIERRE Paul (France)
- Légionnaire DEVAUX Robert (France)
- Légionnaire FALAUT Marc (France)
- Légionnaire GALVES Francisco (Portugal)
- Légionnaire GORDON Luis (France)
- Légionnaire GUNES Yasar (Turquie)
- Légionnaire LEON Lawrence (États-Unis)
- Légionnaire LIMA DA SILVA (Portugal)
- Légionnaire LUANG Eric (Madagascar)
- Légionnaire SENDERS Jean (Belgique)
- Légionnaire THIU-SAM Jerome (Madagascar)
- Légionnaire VELMAR Maurice (France)
Victimes : 13e DBLE
- Capitaine CHANSON Jacques
- Caporal LAURIOL Guy (France)
Victimes : EM FFDj
- Capitaine DROULLE Robert
Victimes : Commando Jaubert
- Maître GLOANEC Jacky (Jean-Paul) – moniteur-largeur
Victimes : Armée de l’Air
- Commandant DALMASSO Henri – pilote & commandant de l’avion
- Capitaine COUILLAUT Jean – co-pilote
- Capitaine TADDEI Fabien – navigateur
- Adjudant-chef DAENINCKX Gérard – mécanicien
- Capitaine DEMANGE Jean – observateur


Images supplémentaires
Quelques images supplémentaires liées à l’accident du Mont Garbi du 3 février 1982.






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Principales sources d’informations:
Képi blanc revues
UNP – Union Nationale des Parachutistes section 010 AIN
Wikipedia.org
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L’article original : Mont Garbi Accident 1982
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La page a été mise à jour le : 2 février 2021