Introduction
L’année 1976 commence bien pour la Légion étrangère. Au début du mois de février, les légionnaires prennent part à la mission de sauvetage des otages à Loyada, qui est couronnée de succès et fait l’objet d’une large couverture médiatique. Il s’agissait d’une mission de sauvetage de 31 enfants français enlevés par des militants somaliens à Djibouti, la capitale du Territoire français des Afars et des Issas (TFAI, anciennement Côte française des Somalis). Depuis 1977, le pays s’appelle Djibouti. Il est situé dans la Corne de l’Afrique et ses frontières sont l’Éthiopie, l’Érythrée et la Somalie.
Pour soutenir la mission de sauvetage à Djibouti, une unité d’intervention de la Légion est alertée : le Groupement opérationnel de la Légion étrangère (GOLE). Unité interarmes, le groupement est commandé par le chef de bataillon Michel Guignon. Créé en 1971, il s’implante à Bonifacio, en Corse. Depuis 1972, le GOLE est rattaché au nouveau 2e Régiment Etranger, également installé en Corse.
Le GOLE quitte la Corse le 5 février 1976. En fait, seuls le PC, la 6e compagnie et le 4e escadron du 1er REC sont déployés. Lorsque les unités arrivent dans le TFAI/Djibouti, la mission de Loyada est déjà terminée. Néanmoins, un nouvel ordre est donné : le GOLE doit rester dans le pays pendant les quatre mois suivants (une mission dite de courte durée, MCD), afin de renforcer la présence militaire française dans la région. Les légionnaires du GOLE (surnommés GOLEmen) participeront à des manœuvres militaires et effectueront des patrouilles frontalières aux côtés de leurs camarades de la 13e DBLE, une unité stationnée à Djibouti depuis 1962.


24 mai 1976 : Crash d’hélicoptère
Le 24 mai 1976, un exercice à tir réel, avec héliportage, devait être effectué dans le TFAI/Djibouti. Les légionnaires du GOLE devaient y participer. Ils sont transportés par hélicoptère d’Arta vers un champ de tir militaire à Holhol (parfois aussi orthographié Holl Holl), situé à environ 25 km au sud. Arta est une petite ville située dans le sud-est du pays, quelque 30 km à l’ouest de la capitale. Le PC et la 6e compagnie du GOLE y étaient stationnés à l’époque.
Le transport est effectué le matin par trois hélicoptères (SA 330B PUMA) du Détachement de l’aviation légère de l’armée de Terre (DETALAT) de Djibouti. La première rotation avait à son bord la section de mortiers (de la compagnie de commandement). Les Puma quittent Arta vers 7h15 et sont de retour environ une demi-heure plus tard, sans problème.
La seconde rotation transporte la 3e section de la 6e compagnie. Les trois Puma quittent Arta vers 7h45.
Après avoir parcouru un vol normal pour se rendre sur les lieux de l’exercice, les Puma doivent effectuer un vol tactique de plusieurs kilomètres le long du thalweg de Djadjaboka, un lit de rivière asséché qui ne contient de l’eau qu’en cas de fortes pluies. Douze minutes plus tard, à 7h57, alors qu’ils approchent de Holhol, à environ 2 km, un accident soudain se produit. Le deuxième Puma de la formation, avec à son bord trois membres d’équipage et douze légionnaires, s’écrase dans le thalweg et s’enflamme. L’enquête montrera que la portance de l’air n’était plus suffisante au fond du thalweg à cette heure matinale. Le rotor arrière du Puma avait frôlé une touffe de kékés (arbustes typiques du pays munis de longues épines) et, en conséquence, s’était brisé.
Le pilote et quelques légionnaires sont projetés en dehors de l’hélicoptère. Un légionnaire arrive à sauter de l’appareil avant le crash. Malgré ses blessures, il parvient à évacuer trois de ses camarades à moitié brûlés. Malheureusement, deux membres d’équipage et six légionnaires trouvent la mort dans l’incendie, dont le sergent-chef Smajil Zolic, adjoint au chef de section.
Parmi les survivants, quatre légionnaires sont gravement blessés. Ils seront secourus et transportés en France quelques heures plus tard, pour être hospitalisés à Paris.
Quelques jours après leur arrivée à l’hôpital militaire de Paris, deux des légionnaires gravement blessés succombent à leurs blessures. Les deux autres légionnaires réussissent à s’en sortir, et, après avoir récupéré, se retirent à Puyloubier, le domaine de la Légion étrangère pour les anciens légionnaires, valides ou invalides, situé près d’Aubagne au sud de la France. [1]
1. Témoignage du général Vittorio Tresti, commandant la 6e compagnie du GOLE à l'époque, donné fin mars 2019 et fourni à l'auteur de cet article par Roberto Castiglioni.

Crash d’hélicoptère : victimes
6 légionnaires tués :
- Sergent-chef Smajil ZOLIC – adjoint au chef de section
- Caporal-chef Julien COLETT
- Légionnaire Alois BRUNNER
- Légionnaire Joseph GALIESER
- Légionnaire Pierre GAUMONT
- Légionnaire René LARIER
4 légionnaires gravement blessés :
- Légionnaire Ruddy BRUNNER (Allemand)
- Légionnaire CHARBONNEL (Belge)
- Légionnaire ROAGNA (Espagnol)
- Légionnaire ZIEGLER (Autrichien)
Deux des légionnaires gravement blessés succombent à leurs blessures. Leur identité est toutefois inconnue.
2 membres d’équipage tués, du DETALAT :
- Adjudant Jean-Louis DUBOST
- Maréchal des logis-chef Christian BAIXAS


Conclusion
À l’époque, lors de cet accident, la Légion a subi ses pertes les plus importantes en un seul jour depuis la fin de la guerre d’Algérie (1962). Néanmoins, l’événement sera quasiment oublié au cours des décennies suivantes. Pourtant, encore en 2018, il n’y avait pas un seul texte français sur internet qui traitait de ce triste événement.
Il y a une éventuelle raison à cela. Six ans plus tard, un autre accident aérien tuant des légionnaires se produit à Djibouti : l’l’Accident du Mont Garbi de 1982. Il s’agit d’un événement bien connu, entièrement couvert par les médias et commémoré chaque année. Il a très probablement supplanté le crash de 1976.
Quoi qu’il en soit, ces deux accidents aériens restent pour la Légion étrangère les événements les plus meurtriers depuis la fin du conflit algérien.
L’opération dans le TFAI/Djibouti fut la seule “intervention rapide” à laquelle le GOLE participa. L’unité est dissoute en juillet 1977 et ses trois compagnies de combat (5e, 6e et 7e) sont directement intégrées au 2e RE. Fin 1983, le régiment quitte la Corse pour la France métropolitaine. Là, en juillet 1984, les trois compagnies deviennent la 1ère, la 2ème et la 3ème compagnie du 2e REI.





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Mes remerciements chaleureux:
Je remercie vivement Roberto Castiglioni pour son aide avec cet article.
Je remercie également le général Vittorio Tresti.
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Principales sources d’informations:
Képi blanc revues (1976)
Colonel Jean-Jacques Noirot: A tous les oubliés (ASAF, novembre 2019)
Mémorial GenWeb
Aéorostèles
Google Maps
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L’article original : GOLE: 1976 Djibouti Helicopter Crash
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La page a été mise à jour le : 23 mai 2021