La Deuxième Légion étrangère (également 2e Légion étrangère, 2e Légion, 2e Brigade étrangère ou Légion suisse) est une unité suisse de l’armée française, créée en France au début de l’année 1855 par l’empereur Napoléon III. Elle devait participer à la guerre de Crimée. Cependant, la guerre s’est terminée plus tôt que prévu. Par conséquent, en 1856, la Légion suisse est transformée en 1er Régiment étranger et stationnée en Algérie, en Afrique du Nord. Distingué par son uniforme vert, le régiment conserve son caractère suisse jusqu’en 1859. Cette année-là marque la fin de trois cent cinquante ans de troupes suisses au service de la France.
Introduction
En décembre 1848, Napoléon III (neveu de l’empereur Napoléon Bonaparte) devint le premier président de la République française. Après sa proclamation de l’Empire en décembre 1852, il fut le dernier monarque du pays et l’empereur des Français. En 1854, pour réduire la puissance militaire russe dans la mer Noire et empêcher la Russie de menacer l’Empire ottoman (Turquie), Napoléon III et la Grande-Bretagne décidèrent d’intervenir et d’attaquer la base navale russe de Sébastopol en Crimée. La guerre commença.
Mais la guerre de Crimée avait besoin d’hommes. Les gouvernements français et britannique sont contraints de trouver de nouveaux volontaires, même à l’étranger. La Suisse semble idéale pour les deux pays. L’empereur, qui a vécu de nombreuses années en Suisse et servi dans son armée, décide de renouveler la présence suisse dans l’armée française (interrompue brutalement en 1830) et de créer une brigade suisse composée de deux régiments. Les Britanniques ont la même idée. C’est ainsi que sont créées deux légions suisses : l’une en France et l’autre en Grande-Bretagne.
Cependant, la France disposait déjà d’une Légion étrangère (bien connue depuis la conquête de l’Algérie dans les années 1840), qui se trouvait alors en Crimée. Cette dernière a donc été rebaptisée « Première Légion étrangère ».
Deuxième Légion étrangère : Création
La Deuxième Légion étrangère (également connue comme la Légion suisse) est créée en France par décret impérial de Napoléon III le 17 janvier 1855. Elle devait se composer de deux régiments d’infanterie avec deux bataillons à six compagnies chacun et, en dehors des régiments, d’un bataillon de tirailleurs à dix compagnies.
Le général Ulrich Ochsenbein prend le commandement de la 2e Légion étrangère. Un politicien suisse, ancien conseiller fédéral et militaire, il est ami intime de l’empereur.
Le dépôt de la 2e Légion s’installe à l’Est de la France, à Besançon, une soixantaine de kilomètres de la Suisse. La majorité des volontaires suisses sont recrutés dans les cantons francophones de ce pays aux quatre langues nationales. Les premières recrues arrivent en France en février.
Deuxième Légion étrangère : Unités
Le 1er Régiment de la Deuxième Légion est formé à Dijon, à l’ouest de Besançon, le 26 mars. Il est commandé par le colonel Bonaventure Meyer. Cet officier d’origine suisse a servi de 1820 à 1830 dans un régiment suisse en France. En 1831, il rejoint l’ancienne Légion étrangère (1831-39) en tant que lieutenant et combat avec elle en Espagne. En 1838, il passe à la nouvelle Légion étrangère (créée en 1836) en Algérie, qui devient la Première Légion étrangère par le décret impérial du 17 janvier 1855. Il prend sa retraite en 1851 comme chef de bataillon. Il ne reçut le grade de colonel que dans la Légion suisse.
Le 2e Régiment de la Deuxième Légion est formé à Besançon le 16 mars. Deux semaines plus tard, le régiment part vers le nord-ouest, à Langres. Le colonel Marie de Granet-Lacroix de Chabrières en prend le commandement. Cet officier français a rejoint le 2e Régiment de la Légion étrangère (2e RLE) en Algérie en 1843. Il y sert comme chef de bataillon jusqu’en 1848, date à laquelle il démissionna de l’armée.
Fin mai 1855, le colonel de Chabrières est envoyé en Crimée, pour prendre la tête de son ancienne unité, le 2e Régiment de la Première Légion étrangère.
En retour, le commandement du 2e Régiment de la Deuxième Légion à Langres est assuré par le colonel Benoît de Caprez, officier d’origine suisse, qui commandait jusqu’alors le 2e Régiment de la Première Légion en Crimée. Ce colonel a commencé sa brillante carrière militaire en 1816 comme sous-lieutenant dans un régiment suisse de la Garde royale, un corps d’élite de l’armée française. En mai 1831, il rejoint l’ancienne Légion étrangère et combat avec elle en Espagne. En 1837, il passe à la nouvelle Légion étrangère en Algérie. En 1851, il devient commandant de son 2e Régiment.
Le Bataillon de tirailleurs est formé à Auxonne, entre Besançon et Dijon, le 13 mars. Les tirailleurs sont des soldats considérés comme d’excellents tireurs, des troupes légères qui se déploient devant le front des autres unités, pour harceler l’ennemi. Le bataillon est sous les ordres du commandant Lion, un officier français n’ayant jamais servi à la Légion.

Deuxième Légion étrangère : Uniforme
Les deux régiments
L’uniforme, l’armement et l’équipement des régiments de la Légion suisse sont identiques à ceux des régiments de la Première Légion étrangère. La seule différence pour l’uniforme de la 2e Légion concerne la couleur du drap : le bleu foncé réglementaire est remplacé par le vert clair.
Le bonnet de police (futur képi) est en drap garance pour le turban et en drap vert clair pour le bandeau. Le devant est orné du numéro du régiment. Les officiers portent un shako en drap vert.
La tunique et la veste (réservée au quartier), sont en drap vert clair. Les boutons sont timbrés au centre du numéro du régiment et entourés de la légende “2e LEGION ETRANGERE”. Les grenadiers portent les épaulettes garance, les voltigeurs les épaulettes jonquille. Les fusiliers ont les épaulettes vertes à tournantes écarlates. La capote est en drap gris de fer bleuté.
Les pantalons sont en drap garance. Au quartier, les légionnaires suisses portent les pantalons de toile écrue.
Les hommes de la 2e Légion sont équipés avec le fusil d’infanterie Mle 1822T et le sabre-baïonnette.
Bataillon de tirailleurs
Les légionnaires du Bataillon de tirailleurs ont l’armement et l’équipement des chasseurs à pied de l’époque. La seule particularité est le drap vert remplaçant le drap bleu foncé.
Les tirailleurs ont un shako de drap vert clair, avec un plumet vert noir. La tunique à jupe et veste sont en drap vert clair. Les boutons sont estampés au centre d’un cor de chasse (l’insigne des chasseurs) et entourés de la légende “2e LEGION ETRANGERE”. Les tirailleurs portent les épaulettes vertes à tournantes jonquille. Les pantalons sont en drap gris de fer bleuté, avec un passepoil jonquille. Les tirailleurs portent aussi un centurion à boucle spéciale et giberne en cuir noirci, du type chasseur, et le capuchon (une veste sans manches) des chasseurs, en drap gris de fer bleuté.
Ils sont équipés avec le même fusil d’infanterie Mle 1822T et le sabre-baïonnette.



Deuxième Légion étrangère : Hommes
L’engagement dans la 2e Légion est en principe réservé aux Suisses. Beaucoup d’entre eux sont des jeunes hommes ; les mineurs (moins que 21 ans) représentent trente pour cent.
Par contre, les colonels des régiments recrutent des cordonniers, des tailleurs et des musiciens allemands comme des spécialistes pour leurs ateliers et leurs musiques. Cependant, on peut aussi trouver quelques Français ou Italiens parmi les nouveaux légionnaires de la 2e Légion.
Sur plus que 130 sous-officiers, il y a vingt-cinq Français mutés d’autres corps et douze Suisses arrivant de la 1re Légion. Trois ou quatre sous-officiers sont d’autres nationalités. Pour le reste, ils sont choisis parmi les candidats suisses.
Les officiers sont également en majorité des Suisses (40 officiers, le général Ochsenbein compris). Deux tiers de ces officiers suisses appartenaient à des familles nobles.
Deuxième Légion étrangère : France en 1855-56
Toujours en France, les légionnaires de la Légion suisse sont occupés par l’organisation des unités dans leurs garnisons ou par l’instruction et des manœuvres.
À partir d’août 1855, le nombre mensuel de recrues diminue très rapidement. En novembre, après le succès de l’Armée française de la bataille de Malakoff qui a entraîné la chute de Sébastopol, la guerre de Crimée est pratiquement terminée. Le même mois, on ne compte plus que quarante-neuf nouveaux engagés volontaires. La prime d’engagement est donc portée de 30 à 50 francs. Malheureusement, c’est trop tard. De plus, la Légion suisse des Britanniques paye toujours 150 francs de prime à ses recrues.
Au début du mois de janvier 1856, un an après sa création, la Deuxième Légion étrangère est toujours en état squelettique. Le 1er Régiment ne comprend que sept compagnies, ayant créé les six du 1er bataillon et la 1ère compagnie du 2e bataillon. Dans le 2e Régiment, quatre compagnies complètes ont été formées au sein du 1er bataillon, ainsi que des cadres pour les 5e et 6e compagnies restantes, tandis que le 2e bataillon n’existe encore que sur le papier. Le Bataillon de tirailleurs ne réussit à constituer que trois des dix compagnies prévues.
Le 30 mars 1856, le traité de Paris met fin à la guerre de Crimée. À cette date, la Deuxième Légion ne compte que 58 officiers et 1 170 hommes. Le recrutement n’a pas donné les résultats escomptés lors de la création de ce corps. Une importante réorganisation devait suivre.
Un décret du 16 avril ordonne ainsi la dissolution des deux Légions étrangères françaises. Les légionnaires suisses sont envoyés à 190 km au sud-ouest, vers Lyon, le mois suivant. C’est là, au camp de Sathonay, que la 2e Légion étrangère sera finalement licenciée le 25 juin 1856.
Le général Ochsenbein est mis en disponibilité. Dix-sept officiers suisses démissionnent et reçoivent une année de solde. Les autres officiers et hommes sont cependant prêts à former une nouvelle unité.


1er Régiment étranger : Algérie en 1856-59
Le décret du 16 avril prévoit la dissolution des deux légions et la création de deux nouveaux régiments étrangers. C’est ainsi que le 1er Régiment étranger (1er RE) est organisé au camp de Sathonay le 26 juin 1856 à partir des hommes de l’ancienne Légion suisse, sous le commandement du colonel Bonaventure Meyer de l’ex-1er Régiment de cette Légion.
Plus tard, en Algérie, la 1re Légion, plus ancienne et plus chevronnée, est transformée en 2e Régiment étranger (2e RE), sous les ordres du colonel de Chabrières.
Pourquoi la 2e Légion est-elle devenue le 1er Etranger et non le 2e ? Parce que Napoléon III considérait la Légion suisse comme l’héritier et le dépositaire des traditions de l’ensemble des anciennes formations suisses au service de la France avant 1830, alors que la 1ère Légion n’a été formée qu’en 1831 (l’ancienne Légion) ou en 1836.
Le nouveau 1er Régiment étranger est toujours considéré comme une unité suisse. Le régiment est composé de soldats suisses et toutes les recrues suisses de la 1ère Légion y sont affectées. Il conserve également l’uniforme vert et tous les attributs distinctifs de la 2e Légion dissoute.
Le régiment se compose de deux bataillons à huit compagnies (l’ancien 1er Régiment constitue le 1er bataillon, l’ancien 2ème Régiment constitue le 2ème bataillon). Le Bataillon de tirailleurs est transformé en deux compagnies de chasseurs, qui conservent leur équipement et leur uniforme (le shako est toutefois remplacé par le képi vert). Chacune des compagnies est rattachée à l’un des deux bataillons.
Le 6 juillet 1856, le 1er RE, avec un faible effectif de 1 021 hommes, se rend à Philippeville en Algérie (ville qui deviendra la garnison du 2e REP un siècle plus tard), où il est renforcé en août par 600 hommes du 2e RE (l’ancienne 1ère Légion) revenant de Crimée.
En juin et juillet 1857, un bataillon de marche du 1er RE (600 hommes sous les ordres du commandant Lion) participe aux opérations contre les rebelles en Kabylie (nord-est de l’Algérie). Par la suite, les légionnaires suisses commencent des travaux de route en Grande Kabylie, dans les secteurs de Bône, Sétif et Bougie.
En 1858, le 1er Etranger (toujours appelé « Légion suisse » par les hommes du 2e RE) commence à perdre sa nature unique. En avril, son chef de corps d’origine suisse, le colonel Meyer, prend sa retraite. Il est remplacé par le colonel Dupin de Saint-André (capitaine au 2e RLE en Algérie en 1847-52), puis en août par le colonel Granchette (un vétéran de Crimée, qui n’a jamais servi à la Légion) et enfin en novembre par le colonel Michel Breyer, officier français qui fait également sa première expérience avec la Légion.




1er Régiment étranger : Italie et Algérie en 1859-62
Au début de l’année 1859, la plupart des légionnaires suisses sont déjà partis, leurs contrats de deux à trois ans étant arrivés à terme. Le régiment ne compte plus que 500 hommes (à la même époque, l’effectif opérationnel du 2e RE est de 1 400 légionnaires).
Pendant ce temps, une nouvelle guerre éclate en Europe. Désormais en Italie, entre la France et l’Autriche. En avril 1859, le 1er RE part donc en Corse pour tenter de recruter des Italiens prêts à se battre aux côtés des Français. Mais le recrutement ne donne pas de résultats.
En mai, le régiment entre en Italie et, début juin, ses 480 hommes se battent courageusement à Magenta avec leurs compagnons d’armes du 2e RE, sous le commandement du colonel de Chabrières. Cet ancien colonel de la 2e Légion y fut tué (aujourd’hui, le quartier du 2e Etranger à Nîmes porte son nom).
En août 1859, le 1er RE retourne en Corse. Là, deux mois plus tard, il apprend que le décret impérial du 14 octobre 1859 a supprimé l’uniforme vert et tous les distinctions de l’ancienne 2e Légion. Par décret, le 1er Régiment étranger reçoit la même organisation que le 2e Régiment étranger. L’existence de la Légion suisse prend ainsi définitivement fin.
Le 1er Etranger reste en Corse jusqu’en février 1860. Le régiment retourne ensuite à Philippeville et est finalement dissous deux ans plus tard, à la fin du mois de février 1862. Seule subsiste la Légion d’origine, le 2e RE, qui devient alors le Régiment étranger.
Avec cette unité, plusieurs hommes de l’ancienne Légion suisse participent à la campagne du Mexique de 1863-67. Parmi eux, un certain lieutenant de Diesbach-Torny, fils d’un officier des Cent-Suisses (compagnie d’élite au service du roi de France), et le lieutenant Trog, beau-frère du colonel Meyer, entré dans la 2e Légion à l’âge de vingt et un ans ; il s’est retiré de l’armée française en 1894 avec le grade de lieutenant-colonel.



Conclusion
Pour la guerre de Crimée (1854-56), la France et la Grande-Bretagne recherchent des volontaires suisses pour leurs Légions suisses. En termes de recrutement et d’organisation, c’est la Légion britannique qui remporte le plus de succès. En revanche, la Légion suisse française devait être une formation traditionnelle, dans la lignée des troupes suisses au service de la France de 1481 à 1830. Cependant, la prime de recrutement britannique est cinq fois plus élevée que celle des Français et les Suisses se souviennent encore de la façon dont ils ont été traités en France lors de la révolution de 1830. Il n’est donc pas étonnant que le recrutement n’ait pas donné les résultats escomptés par l’empereur Napoléon III.
Cependant, la guerre de Crimée s’est terminée plus tôt que prévu. Les deux légions suisses n’y participent donc pas. La Légion britannique du colonel Dickson, forte de 3 300 hommes, est dissoute en mai 1856 (la dissolution durera jusqu’en octobre), tandis que la Légion suisse française est transformée en régiment étranger en juin 1856 et conserve son caractère suisse jusqu’en octobre 1859. Le même mois, une loi fédérale suisse interdit aux citoyens suisses de servir dans des armées étrangères. C’est ainsi que s’achèvent trois cent cinquante ans de présence suisse dans l’armée française.
Symboliquement intéressant est le béret vert qui, cent ans plus tard, vers octobre 1959, est devenu le couvre-chef officiel de toute la Légion étrangère. Il rappelle la couleur verte distinctive des légionnaires suisses, aujourd’hui oubliés, et le képi vert de leurs unités d’élite…
———
Les motifs originaux inspirés par la Légion.
Découvrez-les dans notre boutique.
—
Principales sources d’informations et d’images:
Képi blanc revues
LCL Henry Dutailly: La 2ème Légion Etrangère (Képi blanc, 1975)
Raymond Guyader: Le légionnaire suisse 1855-1859 (Uniformes, 1983)
Gén. Grisot, Ltn Coulombon: Légion étrangère 1831 à 1887 (Berger-Levrault, 1888)
Evelyne Maradan: La Légion suisse au service de la France (Revue Militaire Suisse, 1989)
P. Cart-Tanneur + Tibor Szecsko: La vieille garde (Editions B.I.P., 1987)
Raymond Guyader: La Légion Etrangère 1831/1945 (Gazette des Uniformes, 1997)
Adolf Merz: Johann Eduard Trog (Oltner Neujahrsblätter, 1960)
Google Maps
Wikipedia.org
—
L’article original: Second Foreign Legion – Swiss Legion
—
Sur le même sujet:
Historique du 1er Régiment Etranger
<Guerre franco-prussienne de 1870
Légion étrangère en Orient : 1915-1919
…ou voyez…
Tous nos articles en français sur la Légion étrangère
—
La page a été mise à jour le : 18 janvier 2025