Création du 61e BMGL
En 1962, après la fin de la guerre d’Algérie et dans la perspective de l’inévitable départ des troupes françaises de l’Afrique du Nord vers l’Europe, la décision est prise de créer en France un nouveau grand terrain d’entraînement militaire destiné principalement à la cavalerie blindée. Pour mener à bien cette tâche importante, les pionniers de la Légion étrangère sont choisis et, au début de 1968, envoyés à Canjuers, dans le Var, au nord de la ville de Draguignan. Ils seront renforcés plus tard par des sapeurs de l’armée régulière pour y travailler conjointement, jusqu’à la fin de 1970. Par la suite, ces éléments fusionneront en une nouvelle unité mixte.
Ainsi, le 61ème Bataillon Mixte de Génie Légion (61e BMGL) est créé au camp de Canjuers, le 1er janvier 1971. C’est la première unité de type Génie-Légion installée en France, et la deuxième unité de ce type existant à l’époque, après le 5ème Régiment Mixte servant au Pacifique.
Les traditions du 61e BMGL sont celles du 61ème Bataillon du Génie (1939-1940) et du 61ème Bataillon du Génie-Légion de la campagne d’Indochine (1949-1955). Sous son fanion orné de la croix de guerre de 1939-45 et de la croix de guerre des TOE, avec une citation à l’ordre de l’armée, il regroupe les éléments qui ont travaillé à Canjuers depuis trois ans.
Rattaché à la 7ème région militaire, le 61e BMGL est composé d’une compagnie de commandement et des services (CCS), d’une compagnie de travaux génie (CTG), et d’une compagnie de travaux Légion (CTL). Cette dernière est, en fait, l’ancienne Compagnie de Pionniers de la Légion Etrangère (CPLE), stationnée à Canjuers depuis février 1968.
Au début, l’effectif du bataillon est de 511 hommes, dont 24 officiers, 91 sous-officiers, et 396 hommes de troupe (sapeurs, appelés, et légionnaires).
Le lieutenant-colonel Debent, ancien lieutenant au 2e BEP (bataillon étranger de parachutistes) en Indochine, en prend le commandement.
Quant à la Compagnie de Travaux Légion (CTL), elle compte 151 hommes dont 6 officiers, 23 sous-officiers et 122 gradés et légionnaires. Ils sont répartis en une section de commandement et trois sections de travaux. La compagnie est toujours commandée par le capitaine Doussau, depuis sa formation en 1968.


Canjuers 1971-1974
La mission du 61e BMGL est de continuer à bâtir le plus grand camp d’entraînement militaire de France et même d’Europe Occidentale, le futur polygone de tir de Canjuers. C’est une vaste zone de manœuvre de 35 000 hectares et de 35 kilomètres de long.
Pour cette mission, le bataillon dispose d’un grand parc d’engins et de véhicules. On trouve notamment parmi les engins des bulldozers, des niveleuses, des tracteurs agricoles, des bétonnières, des chariots de forage, des concasseurs, ou des grues. Les véhicules comprennent des véhicules de liaison, des véhicules d’allégement, des camions-bennes, des véhicules de dépannage, des sanitaires, ou des citernes.
Le 61e BMGL doit achever la viabilisation générale de la zone du camp bâti afin de permettre aux entreprises civiles de procéder aux travaux de construction des casernements modernes. Il réalisera ensuite l’infrastructure de toute la zone de manœuvre du camp : champs de tir d’Auveine, de Lagne, des Amandiers et de Chaudoin, le réseau de pistes à chars, les routes des Condamines, les pistes d’accès aux cibles mobiles, les routes périphériques Sud et Ouest.
De plus, il faut construire une piste VTC (pour les véhicules transportant la charge nucléaire), et achever les rocades et l’élargissement de la route départementale 955 donnant accès au camp.
Pour les besoins de tous ces chantiers, surtout pour les routes et les pistes, légionnaires et sapeurs extraient des centaines de milliers de tonnes de pierres et de gravier dans les carrières de Petorgues et Comboutaire.
En avril 1971, l’insigne du bataillon est distribué. Quant aux hommes de la Compagnie Légion, ils gardent aussi leur ancien insigne, celui de la CPLE. Il est porté conjointement avec l’insigne du bataillon. Cette pratique sera également adoptée par les commandants du 61e BMGL, ce qui est tout à fait inhabituel.
Le fanion du bataillon arrive peu après, en mai.
En août 1971, le capitaine Doussau quitte la CTL, après trois ans et demi à sa tête. Le capitaine Cattaneo, simple légionnaire en 1946, en prend le commandement.
En octobre 1972, le 61e BMGL change son chef. Le commandant Bouchier succède au lieutenant-colonel Debent.
En mai 1973, le capitaine Cattaneo prend sa retraite bien méritée, après 27 années passées dans la Légion. Il est remplacé par le capitaine Gansmann, qui devient le nouveau commandant de la CTL.
A partir du deuxième semestre de 1973, de nouveaux chantiers sont au programme du bataillon. Parmi eux, les travaux routiers au profit de la commune de Montferrat, située au sud du camp.
Le 11 octobre 1974, le commandant Brunet remplace le lieutenant-colonel Bouchier à la tête du bataillon. Pendant la cérémonie, une route de 30 km construite autour du camp est inaugurée.
A cette époque-là, les nouvelles casernes du camp sont déjà bâties (il y a aussi une piscine, un bureau de poste, un cinéma ou un restaurant à Canjuers). Cela permet aux unités de l’armée d’y venir pour effectuer des premiers exercices militaires.








Canjuers 1975-1978
Les années 1975 et 1976 voient d’autres projets à réaliser, notamment la construction d’une zone de poser d’hélicoptères, d’un parcours du combattant, ou d’une piste pour des missiles antichar MILAN et des observatoires d’artillerie. Les deux compagnies de travaux créent aussi plusieurs pistes d’intervention et zones de coupe-feu pour des mesures de prévention contre les incendies.
Depuis janvier 1975, une section de lutte contre l’incendie exclusivement composée de légionnaires surveille en permanence tout le camp.
A la tête de la Compagnie Légion, le capitaine Gansmann est remplacé, en mai 1975, par le capitaine Stemberger. Un ancien légionnaire engagé en 1949, ce dernier quitte la compagnie et la Légion en octobre 1976. Le capitaine Pierquin lui succède.
Le même mois, en octobre 1976, le lieutenant-colonel Bissonnier prend le commandement du 61e BMGL.
En 1977, les légionnaires de la CTL achèvent d’autres constructions, y compris le gué submersible de Guent (section du lieutenant Phong), le parcours de tir de Lagnes pour les chars composé de 13 km de pistes et d’une tranchée de 720 m (section du lieutenant Mey) et le champ de tir des Amandiers (section du lieutenant Truc). La 2ème section (lieutenant Bustos), avec son concasseur et ses gros camions Berliet T30, extrait, concasse et délivre des milliers de tonnes de gravier pour ces chantiers.
Néanmoins, l’année 1978 marque la fin de la mission du 61e BMGL à Canjuers. En sept ans de travail acharné, un bilan impressionnant a été obtenu :
- 600 000 m3 de terrassement
- 800 000 m3 de matériaux transportés
- 400 000 m3 de matériaux concassés
- 110 kilomètres de routes
- 400 kilomètres de pistes
- 50 gués ou radiers bétonnés pour chars
- 4 aires de bivouac et une zone de poser d’hélicoptères
En août 1978, le bataillon commence à quitter le camp de Canjuers où il sera remplacé par la Compagnie Renforcée de Travaux Routiers de la Légion (CRTRLE), créée le même mois.
Simultanément, le 25 août, le capitaine Llorens prend le commandement de la CTL.




Larzac 1978-1981
En septembre 1978, le 61e BMGL s’installe au camp du Larzac (aussi connu comme le camp de La Cavalerie), près de Millau, dans l’Aveyron. C’est une autre zone militaire destinée à la rénovation et à la modernisation.
Jusqu’en décembre, les aménagements nécessaires pour l’installation du bataillon dans le camp sont effectués.
Le 17 octobre, le lieutenant-colonel Bastian devient un nouveau commandant du 61e BMGL.
En 1979 et 1980, le travail bat son plein au Larzac. La tâche la plus importante est l’aménagement de l’aire ALAT (l’aviation légère), immense chantier de 16 hectares pour un régiment d’hélicoptères de combat, soit 60 aéronefs. Entre-temps, il est également nécessaire de construire le réseau routier du camp ou un parc à chars et véhicules.
Le 25 août 1980, le capitaine Bustos succède au capitaine Llorens à la tête de la Compagnie Légion.
Un mois plus tard, les légionnaires du 2e REP présentent le nouveau fusil FAMAS au personnel de la CTL, qui est encore équipée avec le MAS 49/56.
En octobre, le commandement du 61e BMGL est confié au lieutenant-colonel Bironneau. C’est un ancien du bataillon, où il a servi comme capitaine au tout début, en 1971.
En 1981, les légionnaires de la CTL continuent à réaliser l’aire ALAT. Leurs autres chantiers sont des cinq aires de bivouac (avec une capacité d’un régiment par bivouac), et l’aménagement de l’emplacement de la future gare militaire de L’Hospitalet.
Cependant, pour des raisons politiques, les travaux sur le Larzac doivent être interrompus prématurément. Au lieu de cela, les unités du bataillon sont détachées dans d’autres endroits.








La Courtine et des Garrigues 1981-1982
Au début de juillet 1981, le bataillon se disperse et ses unités deviennent partiellement autonomes. Ainsi, la Compagnie de Travaux Légion est implantée au camp de La Courtine, dans la Creuse, tandis que la Compagnie de Travaux Génie s’installe d’abord au camp de Caylus, puis à celui de Souge, près de Bordeaux. En quelques mois, le 61e BMGL réussira à démarrer onze nouveaux chantiers répartis sur un front de cinq cents kilomètres, des rives de l’Atlantique à celles de la Méditerranée. Seule la CCS reste en base arrière au Larzac.
Au camp de La Courtine, les légionnaires doivent construire en particulier une cible mobile pour le tir de missiles antichars MILAN. Avec ses bulldozers D9, D6, chargeurs, camions T30 et compacteurs, ils ont retourné 40 000 m3 de matériaux extraits d’un sol jonché d’obus, de boulets, de cartouches et d’autres projectiles du même genre. Ils se sont accumulés là au cours des dernières décennies lors d’exercices militaires. Ces déchets nécessitent une attention particulière et la présence d’une équipe de destruction.
Néanmoins, en octobre, la compagnie doit encore déménager, cette fois au camp des Garrigues, près de Nîmes. Ici, de la mi-novembre 1981 à la fin mars 1982, la CTL a réalisé d’importants travaux de valorisation d’infrastructure du camp, notamment la construction d’un champ de tir nécessitant des terrassements de 15 000 m3, la création d’une piste pour engins blindés de 7 kilomètres, l’amélioration d’un coupe-feu de 4 kilomètres et le débroussaillement de plus de vingt hectares de garrigues.
De retour au camp de La Courtine, en avril 1982, les légionnaires continuent d’accomplir des tâches à réaliser : la cible mobile pour tirs MILAN à tête active, un village de combat, une route périphérique d’une longueur de 35 kilomètres au nord du camp, et diverses tranchées.
A cette époque, toutefois, la fin de l’existence du bataillon approche lentement. Le 12 juillet, au Larzac, la dernière cérémonie commune a lieu : la cérémonie de départ du bataillon du camp. L’unité s’est scindée en deux parties séparées de façon définitive. La CCS et la CTG s’installent au camp de Coëtquidan avant de rejoindre le camp de Mourmelon dans la Marne, pour y former le 72ème Régiment du Génie, le 1er novembre. Quant aux légionnaires de la CTL, commandés par le capitaine Kampmeyer depuis fin juin, ils restent au camp de La Courtine, jusqu’à fin octobre.
Puis, le 2 novembre 1982, au cours d’une prise d’armes qui s’est déroulée au quartier Viénot, à Aubagne, la Compagnie de Travaux Légion a été officiellement dissoute. Le fanion de cette unité a été solennellement déposé au Musée de la Légion. L’histoire du bataillon qui a construit le plus grand camp militaire d’Europe occidentale s’achève définitivement.
Aujourd’hui, les infrastructures des camps de Canjuers, du Larzac, des Garrigues et de La Courtine conservent encore les traces concrètes de la remarquable efficacité des hommes de la Légion étrangère, qui ont réaffirmé que les légionnaires sont à la fois des combattants d’élite et des bâtisseurs compétents. Tout comme leurs prédécesseurs de l’Empire romain, ou comme leurs anciens des campagnes d’Afrique du Nord et d’Indochine.







———
Principales sources d’informations:
Képi blanc revues
Pierre Dufour: Génie-Légion (Lavauzelle, 2000)
Wikipedia.org
———
Les motifs originaux inspirés par la Légion.
Découvrez-les dans notre boutique.
—
L’article original : 61st Engineer Legion Mixed Battalion
—
Tous nos articles en français sur la Légion:
Liste des articles en français sur la Légion étrangère
—
La page a été mise à jour le : 4 novembre 2022