3e BMLE : Avant la création
En mars 1962, les accords d’Évian sont signés entre la France et le Gouvernement provisoire de la République algérienne. La guerre d’Algérie (1954-1962) est finie. Début juillet, après un référendum d’autodétermination, l’indépendance de l’Algérie est officiellement proclamée. En conséquence, les troupes françaises doivent quitter ce pays d’Afrique du Nord, qui faisait partie intégrante de la France depuis plus d’un siècle. Même la Légion doit quitter sa patrie sacrée, pour laquelle des milliers de légionnaires sont tombés. Ainsi, une nouvelle unité doit être créée pour préparer le transfert de la Légion en France. Une partie du 3e Régiment étranger d’infanterie (3e REI) a été choisie à cette fin.
À cette époque, le 3e REI est stationné dans la région de Médéa, au sud-ouest de la capitale, Alger. Le régiment est composé de deux formations autonomes, les EMT 1 et EMT 2 (Etat-Major Tactique). L’état-major tactique s’agit d’un équivalent français du Combat Command, unité militaire américaine utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale ; en fait, l’EMT représente un bataillon opérationnel.
Néanmoins, il est décidé que l’ancien 3e REI sera complètement réorganisé. Ses EMT doivent être scindées et quitter l’Algérie. Les éléments de l’EMT 2 seront envoyés à Madagascar pour renforcer le BLEM (Bataillon de Légion Etrangère de Madagascar) et aider à y constituer un tout nouveau 3e REI.
En même temps, l’EMT 1 – sous les ordres du chef de bataillon Hautecoeur – sera transformée en une nouvelle unité de bâtisseurs destinée à d’importants travaux de construction en France. Cet EMT comprend la compagnie de commandement et trois compagnies de combat (1ère, 2ème, 4ème) du 3e REI d’origine.

3e BMLE : Création et premières tâches
En Algérie, le 1er août 1962, l’EMT 1 3e REI change de titre et devient le 3e Bataillon de Marche de la Légion Etrangère (3e BMLE). Dans l’armée, le bataillon de marche est un bataillon provisoire organisé pour des tâches spécifiques.
Le nouveau bataillon est toujours commandé par le chef de bataillon Jean Hautecoeur. Son unité est stationnée au Camp des Chênes (aujourd’hui El Hamdania), un village dans la région de Médéa.
Le 3e BMLE est composé d’un état-major et de quatre compagnies. Il comprend 777 hommes au total, dont 18 officiers, 99 sous-officiers et 660 légionnaires.
Composition du 3e BMLE en août 1962
- Commandement : chef de bataillon Jean Hautecœur
- Officer Adjoint : capitaine Jean Cristofari
- CCAS : capitaine Antoine Chollet
- 1re Compagnie : capitaine Jean Lagier
- 2e Compagnie : capitaine Cros
- 3e Compagnie : capitaine Pierre Le Peillet
Les trois premières semaines sont consacrées à l’organisation de ses compagnies et à la préparation du départ d’Algérie. Dans le même temps, les légionnaires se livrent à des activités sportives et à des patrouilles dans les montagnes du secteur. Pour compléter le bataillon, un certain nombre de cadres sont transférés de la 13e Demi-Brigade de Légion Étrangère (13e DBLE). Cette demi-brigade a été également réorganisée et prête à quitter l’Algérie, mais pour T.F.A.I. (l’actuel Djibouti) dans la Corne de l’Afrique.
Le 28 août, le 3e BMLE s’embarque pour la France, où il arrive le lendemain. Le 30 août, le bataillon est stationné au Camp de la Demande à Aubagne, une ville située en Provence, à l’est de Marseille. Le 3e BMLE est la toute première unité de la Légion à y être basée en 1962. Par coïncidence, cet ancien camp militaire avait déjà accueilli les légionnaires du 3e REI. C’était au début de 1946, lorsque le régiment y a passé quelques mois avant son départ pour l’Indochine.
En effet, le Camp de la Demande à Aubagne est choisi en 1962 pour accueillir le 1er Régiment étranger (1er RE), maison mère de la Légion. Ce dernier devait quitter Sidi Bel Abbès en Algérie, ville occupée par la Légion depuis la fin des années 1840. Le départ du 1er RE est prévu pour la fin octobre 1962.
Pendant ce temps, la 1ère compagnie du 3e BMLE s’installe au Puits-d’Auzon, un village situé non loin de Puyloubier, à environ 40 km au nord d’Aubagne ; une grande maison de retraite pour légionnaires opère à Puyloubier depuis 1955.
La mission principale du 3e BMLE est d’effectuer des travaux de construction au camp de la Demande pour l’installation provisoire du 1er RE et du bataillon lui-même. En quelques semaines, grâce à l’engagement des légionnaires, les premières baraques métalliques « Fillod » commencent à sortir de terre, malgré les pluies fréquentes qui transforment les chantiers en d’immenses bourbiers.
Les travaux dans le camp absorbent la majeure partie du temps du bataillon. Outre les installations provisoires, il faut réparer le grande place d’armes et aménager ses abords. Il faut également construire un stade de sport et une nouvelle entrée au camp. Mais les activités sportives ne sont pas oubliées par le 3e BMLE. Les matchs de football, de volley-ball et de handball entre les sections et les compagnies entretiennent une saine rivalité au sein de l’unité.
Les légionnaires du 3e BMLE participent aussi à des manœuvres organisées par l’état-major de la 9e Région militaire, à laquelle le bataillon a été rattaché. C’est tout d’abord l’exercice Caroubier qui se déroule au nord-ouest d’Aubagne, dans la région de Draguignan, en octobre 1962. Les 2ème et 3ème compagnies du 3e BMLE y prennent part. Pendant ce temps, la 1ère compagnie quitte le Puits-d’Auzon pour être stationnée à Puyloubier. Les hommes de la compagnie y sont chargés de plusieurs tâches de construction.
À la fin du mois d’octobre, le 1er Etranger arrive à Aubagne, au Camp de la Demande. Les hommes sont logés dans les maisons préfabriquées FILLOD déjà construites. La Compagnie d’Intervention du 1er RE – seule unité de combat du régiment à l’époque – remplace la 1ère compagnie du 3e BMLE au Puits-d’Auzon.
Le 11 novembre 1962 a lieu la toute première cérémonie publique en France pour le bataillon. Une section du 3e BMLE défile aux côtés de la Compagnie d’Intervention du 1er RE à Aix-en-Provence, ville située au nord d’Aubagne. Quelques années auparavant, en 1940, après la bataille de France, cette même ville avait accueilli pendant plusieurs semaines des rescapés du 11e REI, du 12e REI et du Dépôt de Sathonay de la Légion.
La fin de l’année est marquée par le premier Noël en Europe pour les légionnaires du 3e BMLE et du 1er RE, ainsi que par un hiver rigoureux. A la veille de Noël, une épaisse couche de neige recouvre la région de Marseille. Ainsi, la 2ème compagnie reçoit l’ordre de déblayer la neige des voies et des aiguillages de la gare de Marseille-Saint-Charles, principale gare de la métropole.





3e BMLE : Sud de la France et Corse 1963-1964
En janvier 1963, les légionnaires du 3e BMLE se rendent à Briançon dans les Hautes-Alpes pour un stage de ski, alors qu’une partie importante de la Légion serve encore au Sahara en Algérie.
Le 12 février, après avoir quitté Puyloubier, la 1re compagnie s’embarque pour la Corse afin d’effectuer des travaux en faveur du GILE (Groupement d’Instruction, le futur 4e Régiment Etranger), une école de formation de la Légion. Cette dernière était arrivée d’Algérie en Corse quelques mois auparavant, en juin 1962. Les légionnaires du 3e BMLE doivent construire un camp militaire à Borgo (pour 400 hommes), deux stands de tir « Ball-Plast » (munitions à balle en plastique, destinées au tir à courte distance) à Corte et Bonifacio, et une piste d’obstacles.
Le 10 avril 1963, le chef de bataillon Guy Halftermeyer succède au chef de bataillon Hautecœur et prend le commandement du 3e BMLE.
Le 30 avril marque le Centenaire de la bataille de Camerone de 1863. C’est le premier Camerone officiellement célébré en France par la Maison mère de la Légion. Les festivités ont lieu dans le nouveau camp, rebaptisé Caserne Viénot, avec le fameux Monument aux Morts ramené de Sidi Bel Abbès à Aubagne et placé sur la grande Place d’Armes du camp. Le bataillon assistent activement à la fête.
En mai, les hommes des 1re et 2e compagnies participent aux manœuvres de « Fair Game » en Corse, face aux Marines américains qui s’entraînent aux opérations de débarquement.
Le 14 juillet 1963, les hommes du 3e BMLE défilent aux côtés de leurs camarades du 1er RE sur les Champs-Elysées à Paris. Ensuite, de retour à Aubagne, les légionnaires reprennent la pelle et la pioche et poursuivent leur travail de bâtisseur.
Le 4 février 1964, la première pierre du futur Quartier Viénot est posée par les autorités. Cette première pierre est celle du poste de sécurité qui sera situé près de la nouvelle entrée du Quartier Viénot. La construction de ce poste est également confiée au 3e BMLE.
En Corse, en avril 1964, après un long séjour à Borgo, la 1ère compagnie du 3e BMLE se rend au camp Fiume Secco de Calvi (aujourd’hui appelé Camp Raffalli). Là, l’unité rejoint l’avant-garde du 2e Régiment Étranger de Parachutistes (2e REP), déjà installée au camp depuis quatre mois. La 1ère compagnie doit construire un stand de tir « Ball-Plast » pour le régiment et aménager les bâtiments du camp, ainsi que les forts de Calvi, pour être prêts à accueillir le 2e REP. L’ensemble de ce régiment sera transféré en Corse à la mi-1967.
En mai, une soixantaine de gradés et de légionnaires du 3e BMLE sont détachés à l’Ecole Militaire d’Infanterie (EMI) basée à l’époque à Montpellier, une ville située à 130 km à l’ouest de Marseille. Les hommes du 3e BMLE sont chargés d’y construire un important complexe sportif. Les travaux de réalisation d’un parcours d’obstacles, d’un stade d’athlétisme et de deux courts de tennis débutent le 11 mai et s’achèveront six mois plus tard, le 15 novembre.
Le 25 novembre 1964 à Aubagne, le 3e BMLE est dissous. Seul bataillon du génie de la Légion étrangère formé en Afrique, il n’avait survécu que deux années. Formé initialement par les éléments du 3e REI, il a vu alterner en son sein en 1963 et 1964 des gradés et légionnaires de la plupart des régiments de la Légion. Ces hommes ont accompli un travail important pour installer confortablement la Légion en France et en Corse.
Aujourd’hui encore, tous les légionnaires, candidats, civils ou journalistes doivent d’abord passer par le poste de sécurité du Quartier Viénot du 1er Etranger, le tout premier bâtiment de la nouvelle Maison Mère de la Légion en France. Il y a 55 ans que ce bâtiment a été achevé par le 3e BMLE, presque oublié, unité d’une si grande importance pour l’installation de l’actuelle Légion étrangère sur le vieux continent.




















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L’article original: 3rd Foreign Legion Task Force
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Principales sources d’informations :
Pierre Dufour : Génie-Légion (Lavauzelle, 2000)
Képi blanc revues
Plaquettes annuelles de la Légion Etrangère
Wikipedia.org
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Historique du 1er Régiment Etranger
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La page a été mise à jour le : 26 juillet 2022